Considéré comme le « parrain » du clan mafieux longtemps aux commandes de la Tunisie, Belhassen Trabelsi, qui s'était réfugié à Montréal lors de l'éclatement du Printemps arabe, a été arrêté et incarcéré la semaine dernière à Marseille.

Terré à Montréal pendant cinq ans, l'oligarque de l'ex-dictature tunisienne s'était évanoui dans la nature peu avant son expulsion en Tunisie, prévue en mai 2016. Depuis, les autorités canadiennes avaient perdu sa trace.

Sa cavale de trois ans vient de prendre fin abruptement en France. Selon l'Agence France-Presse, Belhassen Trabelsi a été inculpé lundi dernier pour « faux aggravé et blanchiment en bande organisée » et placé en détention provisoire dans une prison marseillaise.

Tunis a immédiatement demandé son extradition aux autorités françaises, comme elle l'avait réclamé il y a maintenant huit ans aux autorités canadiennes.

Sa cavale au Canada

Quand le jet privé de Belhassen Trabelsi, sa femme et leurs quatre enfants s'est posé à Dorval, le 20 janvier 2011, les rues de la Tunisie étaient en pleine ébullition. Six jours plus tôt, le régime de son beau-frère, le président Zine el-Abidine Ben Ali, était tombé en disgrâce.

« On ne veut pas d'un individu comme lui au Canada », avait tranché le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lawrence Cannon. Il aura toutefois fallu cinq ans de procédures judiciaires à Montréal pour en arriver à l'étape de l'expulsion.

Belhassen Trabelsi avait d'ailleurs épuisé tous ses recours lorsqu'il a fui le Canada sans laisser d'adresse.

Pendant ses 20 années de règne en Tunisie, le clan Ben Ali a pillé les richesses de tout un peuple. Et le frère de Leila Trabelsi, femme du président, était le pire kleptomane du clan. « Belhassen Trabelsi est considéré comme le membre le plus célèbre et le plus corrompu de la famille. Il représente tout ce que les Tunisiens détestent chez les Trabelsi », écrivait en 2006 l'ambassadeur des États-Unis William Hudson dans un câble diplomatique révélé par WikiLeaks.

« Si la moitié des rumeurs qui circulent à son sujet sont vraies, on peut se demander où il trouve le temps d'être un monstre aussi vorace et sans coeur », disait-il.

L'homme rondelet qui avait d'abord fui Tunis à bord de son yacht avant de filer vers Montréal en jet était apparu émacié, arborant une courte barbe et de fines lunettes, dans une salle d'audience de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, au centre-ville de Montréal.

Il réclamait alors le statut de réfugié, disant craindre pour sa vie en Tunisie. En vain ; en 2016, il avait été jugé inadmissible en raison des allégations de « crimes graves de droit commun » dont il faisait l'objet : manipulation boursière, détournement de fonds, extorsion et corruption.

Homme d'affaires incontournable sous le régime Ben Ali, M. Trabelsi, aujourd'hui âgé de 56 ans, fait l'objet de « 17 mandats de recherche en Tunisie et de 43 mandats d'amener internationaux », a précisé à l'AFP le ministère tunisien de la Justice. Un tribunal de ce pays l'a même déjà condamné en son absence à 15 ans de prison.

Sa famille toujours à Montréal

La femme et les enfants de Belhassen Trabelsi ont pour leur part été reconnus comme des réfugiés au Canada. Ils habiteraient toujours à Montréal. Mais ils ne sont pas au bout de leurs peines pour autant : en janvier 2018, la Cour fédérale a bloqué tous leurs fonds, de peur qu'ils ne blanchissent au Québec l'argent volé au peuple de Tunisie.

Il leur est aujourd'hui impossible d'ouvrir un compte en banque ou d'effectuer des transactions boursières.

Dans sa décision de bloquer les fonds familiaux, la juge de la Cour fédérale Martine St-Louis a rappelé que le Canada avait refusé l'asile à M. Trabelsi en raison « de malversations caractérisées par l'utilisation de prête-noms et d'entreprises coquilles permettant au clan Trabelsi-Ben Ali d'empocher de colossales sommes d'argent ».

- Avec l'Agence France-Presse