Une fraudeuse qui a dépouillé une vieille dame de toutes ses économies, mais qui avait échappé à la prison, tente à nouveau d'obtenir la clémence du tribunal après avoir violé les conditions de sa détention à domicile.

Anita Obodzinski a notamment expliqué au juge qu'elle devait continuer de conduire sa fille de 15 ans à ses leçons d'équitation ainsi qu'à l'école privée qu'elle fréquente, à Outremont.

Elle et son mari font aussi face à une poursuite civile de 4,65 millions. «Je ne pourrai pas préparer ma défense dans cette cause si je vais en prison», a-t-elle fait valoir devant le juge, des sanglots dans la voix, mardi au palais de justice de Montréal.

Le juge Dennis Galiatsatos s'est cependant dit «consterné» devant la suggestion commune des avocats de la défense et de la Couronne, qui proposent que la femme de 53 ans continue de purger sa peine à domicile, en y ajoutant deux mois.

Le magistrat a rappelé que le tribunal avait déjà été compréhensif à son endroit, «après qu'elle ait fraudé une [vieille] dame qui vivait ses dernières années».

En fuite avec son déambulateur

La Presse avait révélé en 2015 l'histoire de Veronica Piela, 90 ans, retrouvée par la police en robe de nuit avec son déambulateur sur le trottoir, en plein hiver, alors qu'elle s'enfuyait de la résidence où elle avait été placée contre son gré par les fraudeurs.

Mme Piela avait été déclarée inapte grâce à un faux certificat médical, sortie de force de chez elle, et 500 000 $ avaient été volés dans son compte de banque.

Anita Obodzinski, qui s'était fait passer pour sa nièce, s'est acoquinée avec une travailleuse sociale, Alissa Kerner, qui a obtenu d'un médecin, Lindsay Goldsmith, un certificat d'inaptitude bidon.

L'avocat Charles Gelber, mari de la travailleuse sociale, a fait homologuer le faux mandat d'inaptitude par la cour, avant de vider le compte de la vieille dame et de remettre 100 000 $ à Mme Obodzinski. Il a ensuite obtenu un jugement pour faire placer Mme Piela dans une résidence privée, où il lui était interdit de communiquer avec qui que ce soit.

À la suite de sa fuite, une enquête a été ouverte, et les fraudeurs ont été traduits en justice quelques années plus tard. Mme Piela est morte en décembre 2016.

«Je n'ai pas de mots pour exprimer mon dégoût en entendant les faits», avait lancé le juge Pierre Labelle, en janvier 2018, en condamnant Anita Obodzinski à une peine de deux ans à purger chez elle, en plus de 240 heures de travaux communautaires et de trois ans de probation.

L'été dernier, l'arnaqueuse était absente de son domicile à deux reprises lorsque son agent de probation a tenté de la joindre, ce qui représente un non-respect de ses conditions.

Anita Obodzinski a tenté de convaincre le juge Galiatsatos de ne pas l'envoyer derrière les barreaux, en plaidant qu'elle était le seul soutien financier de sa famille, puisque son mari est sans emploi. Elle tire ses maigres revenus de la vente d'objets de luxe hérités de sa famille, en plus de travailler comme consultante en immobilier, a-t-elle expliqué.

Sa fille doit faire de l'équitation tous les samedis, sur la recommandation d'une thérapeute de Boston, parce qu'elle est ostracisée à l'école en raison des démêlés de ses parents avec la justice, a-t-elle ajouté.

Le juge Galiatsatos rendra sa sentence le 21 mars.

Pour la fraude aux dépens de Veronica Piela, Arthur Trzciakowski, le conjoint d'Anita Obodzinski, a écopé d'une peine de 170 heures de travaux communautaires. Alissa Kerner a été radiée pour trois ans de l'Ordre des travailleurs sociaux et, accusée au criminel, s'en est tirée avec une absolution et un paiement de 2000 $.

L'avocat Charles Gelber a été radié pour 18 mois par le Conseil de discipline du Barreau, mais n'a pas été accusé au criminel, pas plus que la Dre Lindsay Goldsmith.