Les tribunaux n'ont pas fini de se pencher sur l'attentat à la Grande Mosquée de Québec. Après Alexandre Bissonnette qui a décidé d'en appeler de sa peine, c'est au tour de la Couronne de le faire.

La poursuite estime que la peine infligée au meurtrier, qui a fait six morts le 29 janvier 2017 dans un geste prémédité, n'est pas suffisante. Il y a un mois, le juge François Huot de la Cour supérieure a condamné Bissonnette à la prison à vie sans possibilité de libération avant 40 ans.

Mais cette peine « ne reflète pas la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité » du tueur, estime la Couronne. Celle-ci demande à la Cour d'appel du Québec de renverser la décision et d'imposer une peine à vie sans possibilité de libération avant 50 ans au tueur. Bissonnette aurait 77 ans au moment de pouvoir demander une libération conditionnelle.

Dans sa décision rendue le 8 février dernier, le juge Huot avait décidé de ne pas imposer une peine de 50 ans ferme, la jugeant exagérée. « Une période d'inéligibilité dépassant l'espérance de vie du délinquant risque de jeter le discrédit sur l'administration de la justice », notait le juge.

Or, selon la Procureure générale du Québec, qui signe l'avis d'appel avec la Couronne, le magistrat « n'explique aucunement en quoi une période de 50 ans serait exagérément disproportionnée ».

La Procureure générale reproche aussi au juge Huot d'avoir déclaré inconstitutionnel l'article 75451 du Code criminel sans en avoir fait une étude approfondie.

Cet article, introduit en 2011 par le gouvernement conservateur alors au pouvoir à Ottawa, permet de multiplier les périodes n'inéligibilité à la libération conditionnelle dans les cas de meurtres prémédités multiples.

Rappelons que selon ce principe, la Couronne réclamait initialement 150 ans de prison ferme pour Bissonnette, soit 25 ans pour chacun des meurtres. Trois meurtriers canadiens ont écopé de 75 ans de prison ferme pour des triple-meurtres depuis l'adoption de cet article contesté.

Le meurtrier veut aussi aller en appel. Vendredi, les avocats de Bissonnette ont déposé leur propre avis. Selon eux, « le juge de première instance a imposé une peine illégale, manifestement déraisonnable et non indiquée ». Ils réclament une peine de prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans.

La constitutionnalité de l'article 75451 sera au coeur d'un éventuel appel. La Cour suprême ne s'est jamais penchée sur la validité de cet article qui rend possibles des peines extrêmement longues, dans la lignée de l'approche américaine du droit pénal.

« Il convient de rappeler que l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle et autres fortes peines sont quelque peu banalisés aux États-Unis en raison de l'existence même de la peine de mort », notait le juge Huot dans sa décision-fleuve.

Le juge Huot avait décidé de contourner l'article 75451 en donnant une peine de 40 ans ferme, plutôt que 25 ans comme le demandait la défense ou 150 ans comme le réclamait la poursuite. Le magistrat avait noté que l'attentat à la Grande mosquée était un crime haineux motivé par le racisme.

« Votre sentence sera comparable à une longue, très longue traversée du désert, notait le juge. Le châtiment est important et il n'est que juste qu'il en soit ainsi. »