Le Hells Angel Éric Bouffard veut pouvoir voyager librement et part en croisade contre les autorités fédérales pour le faire, a appris La Presse.

Le motard, l'un des plus influents de la section South, a été refoulé à son arrivée en République dominicaine en 2016 parce qu'il fait partie d'une organisation criminelle. Cela se serait également produit une deuxième fois lors d'un voyage au Mexique. Il n'a visiblement pas trouvé ça drôle.

Éric Bouffard est en effet un grand voyageur. Selon l'enquête policière Diversion menée durant les années 2000 sur le blanchiment d'argent, le motard avait pris l'avion à treize reprises entre 2006 et 2009, dont huit fois pour aller en République dominicaine ou au Mexique.

Bouffard veut savoir pourquoi il est maintenant fiché par les autorités de ces pays et comment celles-ci ont reçu les informations le concernant, vraisemblablement dans le but de démontrer que cela viole ses droits. 

Depuis 2017, son avocat, Me Stéphane Handfield, a fait des demandes en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'Agence des services frontaliers du Canada et à Passeport Canada. 

Me Handfield dit avoir reçu des informations satisfaisantes de la part des deux derniers organismes, mais pas de la GRC.

Éric Bouffard veut obtenir de la police fédérale toutes les informations qu'elle possède le concernant, que ce soit à ses bureaux de la rue Dorchester ou à ceux de l'aéroport Trudeau. 

L'été dernier, la GRC lui a répondu que « l'ensemble des renseignements demandés font l'objet d'une exception en vertu des sous-alinéas 22 (1) (a) (i) et 22 (1) (a) (ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels », qui stipulent qu'un organisme public peut refuser de communiquer des informations qui lui appartiennent.

Pas une réponse

Le Commissariat a répondu une première fois à l'avocat du motard l'an dernier affirmant que sa plainte était fondée, car la GRC a mis beaucoup de temps à répondre, mais a fermé le dossier dans un même élan, arguant que la police fédérale avait fini par répondre.

« La GRC a répondu qu'elle ne peut pas me répondre, ce n'est pas une réponse », fulmine Me Handfield, qui vient de déposer une deuxième plainte au Commissariat.

« Comment expliquer que des organismes publics répondent favorablement [à une demande d'accès à l'information] et que la GRC persiste à ne pas le faire ? C'est inacceptable. » - Me Stéphane Handfield, avocat d'Éric Bouffard

« Si M. Bouffard veut parler de son dossier, il peut le faire, mais nous, nous n'avons pas le droit en raison de la Loi sur la protection de la vie privée », a expliqué à La Presse la sergente Camille Abel, de la Division C (Québec) de la GRC.

D'autres cas

Vraisemblablement, les informations demandées par le motard relèvent du renseignement et risquent d'être difficiles, voire impossibles à obtenir.

Dans un article de La Presse portant sur le refoulement de plusieurs motards à leur arrivée en République dominicaine et au Mexique publié en décembre 2017, le porte-parole de la Sûreté du Québec, l'inspecteur Guy Lapointe, avait déclaré que la décision de bloquer des motards québécois à leur arrivée dans ces pays « appartient aux autorités locales ».

Une employée du consulat du Mexique à Montréal avait renchéri, affirmant que la décision de refouler un voyageur était une « prérogative des agents d'immigration » locaux.

En décembre 2017, La Presse a révélé qu'une dizaine de motards québécois avaient été refoulés dans ces deux pays, mais d'autres cas se seraient ajoutés depuis, y compris des individus liés à d'autres groupes criminels organisés montréalais.

En avril 2018, au moins trois motards québécois ont été refoulés à leur arrivée au Brésil, où se tenait le World Run, un événement international des Hells Angels.

On ignore si d'autres motards ou individus liés à d'autres organisations criminelles ont amorcé des démarches similaires à celles d'Éric Bouffard, mais il ne serait pas étonnant que certains emboîtent le pas. 

Cela semble être une nouvelle tendance pour les Hells Angels d'utiliser des mécanismes publics et les voies judiciaires pour faire valoir leurs droits ou obtenir réparation. 

Certains poursuivent pour des dizaines de millions de dollars le Procureur général du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec et la Sûreté du Québec relativement à leur emprisonnement ou à leur arrestation dans la foulée des enquêtes SharQc et Magot-Mastiff.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

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Qui est Éric Bouffard?

Ancien membre des Evil Ones

Membre de la section South depuis 1998

A déjà été impliqué dans une équipe de la Ligue nord-américaine de hockey à Saint-Hyacinthe

Condamné à 12 ans de pénitencier en 2015 dans la foulée de l'opération SharQc et d'une autre enquête en matière de recyclage des produits de la criminalité