Les têtes dirigeantes du projet Lovaganza, dans lequel plus de 650 Québécois ont investi au-delà de 8 millions et qui fait l'objet d'une plainte pour fraude de la part de 75 d'entre eux, sont maintenant poursuivies à leur tour par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier sont accusés d'avoir recueilli des investissements sans respecter la loi, pour financer la production d'une série de films à grand déploiement censés être destinés à financer un projet humanitaire. Ils sont identifiés comme producteurs, réalisateurs et scénaristes.

Il y a un an, l'AMF avait déposé des accusations similaires contre six personnes chargées de solliciter des fonds pour le projet Lovaganza, en promettant aux investisseurs des rendements mirobolants. Le procès contre ces six accusés est prévu pour le 3 avril 2018, pendant cinq semaines, au palais de justice de Longueuil.

Mais l'organisme de réglementation a eu besoin d'un peu plus de temps pour monter son dossier à l'encontre du couple Gagnon-Cloutier, qui partage depuis des années sa vie entre la Californie et le sud de la France. L'adresse indiquée sur le constat d'infraction lancé à leur nom se trouve dans la ville californienne de Santa Monica, tout près de la célèbre Venice Beach.

Incapable d'entrer en contact avec eux pour leur signifier qu'ils étaient poursuivis, l'AMF a dû demander l'autorisation du tribunal pour qu'un communiqué publié le 31 octobre dernier soit accepté comme « l'un des modes de signification autorisés » envers les accusés.

Depuis, « Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier ont plaidé non coupable », indique Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF.

PLAINTES POUR FRAUDE

Le mois dernier, un groupe de 75 investisseurs a porté plainte pour fraude contre les promoteurs du projet et leurs collecteurs de fonds, en s'adressant au Service de police de la Ville de Montréal.

Pour ces 75 plaignants, les sommes perdues totalisent 1,4 million. Certains disent avoir englouti jusqu'à 200 000 $ dans le projet depuis 2010.

Ils ont perdu tout espoir de récupérer leur mise, malgré le fait qu'on leur avait promis des rendements équivalant à deux à dix fois la somme investie, au moment de la signature d'un contrat avec un grand studio de production.

Les promoteurs du projet prétendaient avoir l'appui de Steven Spielberg et d'autres grands noms du cinéma. Ils ont dû se rétracter à la suite d'une mise en demeure du bureau du cinéaste, en 2015. La fondation ONE, créée par le chanteur Bono, et d'autres célébrités ont aussi nié être liées au projet.

Sur son profil IMDb (base de données de l'industrie du film et de la télévision), Jean-François Gagnon indique qu'il est « producteur, réalisateur et scénariste de la très attendue trilogie cinématographique et série télé The Lovaganza Convoy, dont la sortie internationale est prévue en 2018 ».

Jean-François Simard, porte-parole du Regroupement des victimes de l'affaire Lovaganza et One-Land, est toujours amer d'avoir été berné par Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier. « C'est clair qu'on est satisfaits qu'ils soient enfin accusés et que l'AMF ait continué son travail pour intenter des poursuites contre eux, parce que ce sont eux, les leaders de l'affaire, avec Mark-Érik Fortin et Karine Lamarre », dit-il.

Le couple Fortin-Lamarre fait partie des six personnes accusées par l'AMF il y a un an pour avoir sollicité des investissements sans être titulaires de permis et pour avoir continué leur sollicitation malgré une ordonnance d'interdiction. Les autres individus visés sont Louise Larente, Mathieu Carignan, Céline Monchamp et Maurice Lalonde.

Le couple Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier sillonne le monde depuis plusieurs années pour des tournages grâce à l'argent des investisseurs. En septembre dernier, ils ont diffusé des vidéos et des enregistrements de chansons, qui feraient partie de la trame sonore d'une comédie musicale intitulée The Marvelous 12. Les enregistrements ont été faits aux studios Abbey Road de Londres, rendus célèbres par les Beatles, tandis que des vidéos ont été tournées dans les îles grecques.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Des porte-paroles des investisseurs qui se disent victimes de fraude dans l'affaire Lovaganza, Rolland Chaput et Jean-François Simard, ont reçu l'aide de Sylvain Paquette, du Bureau canadien du crédit, et de Pierre Therrien, lieutenant-détective à la retraite, pour déposer leurs plaintes pour fraude à la police.

Photo tirée d'un document de présentation de Lovaganza

Les réalisateurs Geneviève et Jean-François Gagnon, entourant les producteurs Patrick Crowley et Frank Marshall.