Une action collective touchant toute personne qui « a vu ses messages censurés par Facebook » durant la pandémie de COVID-19 vient d’être autorisée par la Cour supérieure. Le citoyen à l’origine de la démarche, Christian Leray, allègue avoir été « censuré et sanctionné » de façon déraisonnable par le géant du web Meta.

M. Leray est l’un des trois administrateurs du groupe Réinfo Québec, une division d’un collectif français à l’origine, qui se décrit comme « un collectif de soignants, médecins et citoyens réunis autour d’une idée : le besoin d’une politique sanitaire juste et proportionnée au Québec et ailleurs dans le monde ».

Le groupe, qui compte plus de 30 000 membres selon les documents de la Cour, avait tenu une conférence de presse en 2021 ainsi qu’en 2022 pour dénoncer la gestion de la crise sanitaire, en plus d’organiser diverses manifestations contre les mesures sanitaires, dont la vaccination obligatoire en milieu de travail.

Dans la foulée, un reportage des Décrypteurs de Radio-Canada avait soulevé qu’au-delà de la position du collectif, qui se veut non partisane, ses membres relayaient de fausses informations sur la pandémie.

Sur le site web du collectif, on retrouve encore à ce jour des références à des articles remettant en cause l’efficacité des vaccins ou encore des couvre-visages comme mesure de protection contre la propagation.

Cette affaire n’est pas sans rappeler celle d’Éloïse Boies, une youtubeuse qui a intenté début 2024 une action collective contre Google en alléguant avoir été censurée pour ses propos sur la pandémie.

Plusieurs occurrences

Essentiellement, Christian Leray affirme « avoir été à la fois censuré et sanctionné par Facebook à cause de ses activités dans le groupe Réinfo Québec, mais aussi dans son compte personnel, à plusieurs reprises ».

Tout commence à l’automne 2021, lorsque Facebook supprime d’abord « un article émanant de la revue Cellular & Molecular Immunology, une revue scientifique appartenant à Nature Research, qui conclut essentiellement que l’efficacité des vaccins est diminuée avec l’apparition des nouveaux variants », lit-on dans le document déposé au palais de justice de Montréal.

Le groupe Facebook Réinfo Québec est alors suspendu pendant 24 heures, avant d’être rétabli après une contestation de ses administrateurs. Peu de temps après, Facebook « supprime un article émanant de la revue Circulation, une revue scientifique au contenu dédié à la santé cardiovasculaire, qui conclut que les vaccins à ARN messager contre la COVID-19 augmentent les risques de problèmes cardiaques ». Une nouvelle interdiction de publier pendant 24 heures intervient.

Puis, en janvier 2022, un message du collectif annonçant la tenue du « convoi de la liberté » à Ottawa est aussi supprimé. Des textes sur les décès et les hospitalisations liés à la vaccination, ainsi que sur la vaccination des enfants n’étant « pas souhaitable », sont retirés par le réseau social dans les mois qui suivent.

Facebook procède ainsi à « un contrôle du contenu, voire la censure sur sa plateforme, en supprimant les affichages, en restreignant l’accessibilité de certains messages, en sanctionnant leurs auteurs, en classant les messages d’une façon particulière, […] en envoyant ou en ajoutant des avertissements », dit M. Leray.

Meta, de son côté, réplique qu’il en va de sa politique « prohibant la désinformation pouvant causer des dommages physiques ou relayant de fausses informations sur la COVID-19 ou encore, simplement parce que ces informations étaient en porte-à-faux avec ses standards de la communauté ».

« Voix isolées »

Dans sa décision, dans laquelle il autorise ultimement la tenue de l’action collective, le juge Lukasz Granosik affirme notamment que « la question de la véracité du message n’a aucun impact sur la liberté d’expression dans le présent contexte ».

« Il est exact, par ailleurs et comme [monsieur] Leray l’avance, que des phénomènes ou faits que tous considéraient comme vrais se sont révélés faux au cours de l’histoire, et qu’à l’inverse, des voix isolées et ostracisées ont fini avec l’écoulement du temps et les avancées de la science par avoir raison, mais c’est davantage l’existence même du message et la possibilité de l’afficher ou d’en prendre connaissance qui intéresse la liberté d’expression et non le contenu de ce dernier », explique le magistrat.

Si l’approche de Meta « est peut-être bien fondée et elle n’encourt peut-être aucune responsabilité », il reste que « la question se pose et il est manifeste que le demandeur possède une simple possibilité de succès » avec cette action collective, ajoute le juge Granosik.

L’action collective réclame 2000 $ en dommages pour chaque membre du groupe qui aurait vu du contenu lié à la COVID-19 être censuré sur le réseau social, en plus de 1000 $ en dommages pour chaque personne ayant été privée de « visionner du contenu censuré ».