L’ancien patron de la division ingénierie et industrielle chez SNC-Lavalin, une sommité québécoise en matière de construction de grands ouvrages, a été condamné à 42 mois de pénitencier mardi pour sa participation à la corruption d’un haut fonctionnaire fédéral au début des années 2000.

Lors de l’audience au palais de justice de Montréal, l’accusé Normand Morin a d’abord été menotté dans le dos par un constable spécial, qui l’a ensuite guidé vers le box des accusés, où il a écouté le jugement du juge de la Cour supérieure Éric Downs.

En février dernier, un jury avait déclaré l’homme de 82 ans coupable de fraude envers le gouvernement, fraude et fabrication de faux, relativement au trucage de l’appel d’offres pour la réfection du tablier du pont Jacques-Cartier, en octobre 2000.

Une enquête de la Gendarmerie royale du Canada avait révélé que SNC-Lavalin (qui a aujourd’hui changé son nom pour AtkinsRéalis) avait versé un pot-de-vin de 2,3 millions de dollars à Michel Fournier, l’ancien président de la Société des ponts fédéraux, afin d’obtenir sans réelle concurrence un contrat de 127 millions de dollars.

Cynisme et désillusion

Le juge qui devait déterminer la peine a constaté que « l’accusé tirait toutes les ficelles permettant que soit versé un important pot-de-vin à un fonctionnaire corrompu ». Le magistrat a cité un arrêt de la Cour d’appel qui insiste sur les conséquences des crimes de corruption, qui « engendrent le cynisme et la désillusion des citoyens à l’égard des institutions publiques et de leur gestion efficace et équitable des impôts et des taxes ».

Le juge a noté plusieurs facteurs atténuants, notamment le fait que l’accusé a toujours été un actif pour la société et qu’il s’occupe de sa fille adulte lourdement handicapée. Il a imposé une peine de 42 mois de détention, plus clémente que celle de cinq ans et demi imposée il y a quelques années au fonctionnaire corrompu dans cette affaire, Michel Fournier.

Un coaccusé M. Fournier, Kamal Francis, a annoncé qu’il plaidera coupable prochainement dans le même dossier. Pour ce qui est de SNC-Lavalin, l’entreprise avait négocié un « accord de poursuite suspendue » avec les autorités, une procédure qui permet à une entreprise de reconnaître les faits et de payer une pénalité tout en évitant un procès criminel. Elle a payé une amende de 30 millions.

Un appel à venir

Le juge Downs a souligné que M. Morin est une « sommité au Québec et au Canada en ingénierie et dans la construction de structures en béton ». Il a travaillé sur le Stade olympique de Montréal, le développement de la Baie-James et le barrage de la Manic-5.

La poursuite dans cette affaire était représentée par MFrancis Pilotte et Me Martin Duquette, de l’équipe des dossiers de corruption du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). La défense était assurée par MNellie Benoit, MJean J. Bertrand et MSimon Ghattas.

M. Morin a déjà fait savoir qu’il portera sa condamnation en appel et demandera à être remis en liberté pendant la suite du processus judiciaire. Avant qu’il quitte la salle d’audience, sa conjointe s’est adressée aux policiers et procureurs qui l’ont mené derrière les barreaux.

« J’espère que le bon Dieu va vous punir », a-t-elle lancé froidement.