Reconnu coupable de contacts sexuels sur un garçon de 11 ans, l’ancien professeur d’université Thierry Karsenti a commis ses crimes à « l’endroit où un enfant devrait pouvoir se sentir le plus en sécurité » : dans son lit. La Couronne réclame maintenant que l’homme, un récidiviste, passe six années en détention.

Thierry Karsenti a été reconnu coupable en juillet dernier de contacts sexuels sur un mineur. Il s’est introduit dans la chambre d’un garçon de 11 ans à une dizaine de reprises en 2015, lui a caressé les fesses et a glissé sa main dans son sous-vêtement.

Culpabilité, tristesse, profond vide intérieur, baisse du rendement scolaire, abandon des sports : les conséquences ont été et sont encore lourdes pour la victime. Dans une lettre présentée lundi au palais de justice de Longueuil, le jeune homme a décrit les souffrances qu’il a dû endurer.

« J’ai tellement essayé de me convaincre que tout ça était normal », écrit celui dont l’identité est protégée par une ordonnance de la cour.

« Je me posais constamment la question : comment quelqu’un d’aussi proche de moi peut me faire une telle chose ? J’ai encore aujourd’hui de la difficulté à faire confiance aux gens qui entrent dans ma vie, car le sentiment de méfiance prend trop de place quand une personne m’aborde avec gentillesse », a-t-il témoigné.

Sa mère a, quant à elle, décrit son incapacité à regarder les photos de son fils lorsqu’il avait 10 ou 11 ans.

« La tristesse est trop forte. Je replonge chaque fois dans cette immense douleur en imaginant ce qu’il a pu endurer en silence », a-t-elle déclaré.

Tout en soulignant « l’interminable processus judiciaire » qui l’oblige à rouvrir « cette brèche », elle « encourage les autres victimes à briser le silence, comme [son fils] l’a courageusement fait ».

Aux observations sur la peine de l’ex-professeur, lundi, la procureure de la Couronne Me Anne Gauvin a insisté sur la durée et le caractère répétitif des abus. Thierry Karsenti, a-t-elle relevé, a agressé sa victime « dans sa maison, dans sa chambre, dans son lit ».

C’est l’endroit au monde où un enfant devrait pouvoir se sentir le plus en sécurité.

Me Anne Gauvin, procureure de la Couronne

La Couronne réclame une peine d’emprisonnement de six ans.

L’avocate de Thierry Karsenti estime, quant à elle, que deux ans moins un jour de détention suffiraient. L’homme est « proactif dans ses démarches pour obtenir de l’aide », a notamment observé Me Clara Daviault.

C’est en août prochain que la juge Ann-Mary Beauchemin fera connaître sa décision quant à la peine que Thierry Karsenti devra purger.

Deux autres victimes

Ce n’était pas la première fois que l’homme était condamné pour un crime de nature sexuelle : en 1992, Thierry Karsenti avait plaidé coupable à cinq chefs d’accusation. Les victimes étaient des mineurs qu’il côtoyait comme entraîneur de tennis de table.

L’homme avait alors été condamné à trois ans de probation et 180 heures de travaux communautaires.

« Il en est à sa troisième victime », a rappelé lundi la procureure de la Couronne Me Anne Gauvin. « C’est un récidiviste en matière de violences sexuelles », a-t-elle insisté.

Il y a 32 ans, Thierry Karsenti avait obtenu son pardon, entraînant la disparition de toute trace de cette condamnation dans son casier judiciaire.

Il n’a pas été inquiété quand il a décroché un poste de professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Montréal.

Également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication, il était fréquemment cité comme expert dans l’utilisation des nouvelles technologies à l’école. Il a même conseillé l’ancien ministre de l’Éducation Sébastien Proulx en 2018.

Le pardon que Thierry Karsenti avait obtenu a été révoqué quelques jours après que la juge Ann-Marie Beauchemin l’a déclaré coupable, en juillet dernier. Il n’a plus de lien d’emploi avec l’Université de Montréal et travaille maintenant comme traducteur, a-t-on appris lundi.

L’histoire jusqu’ici

1992

Thierry Karsenti plaide coupable à cinq chefs d’accusation de nature sexuelle sur deux mineurs, mais il obtient un pardon. Son dossier criminel disparaît du plumitif.

Mars 2021

Le chercheur et professeur est arrêté et accusé de contacts sexuels sur un mineur pour des évènements survenus en 2015. Il s’est faufilé dans la chambre d’un garçon de 11 ans et a caressé ses parties génitales.

19 juillet 2023

Thierry Karsenti est déclaré coupable de contacts sexuels sur ce mineur. Son pardon sera révoqué quelques jours plus tard.

8 avril 2024

Aux observations sur la peine, la Couronne réclame six ans de prison, tandis que la défense plaide que deux ans moins un jour suffiraient. La juge tranchera en août.

Lisez « Comment Thierry Karsenti a-t-il pu obtenir un pardon ? »