Quelques heures avant sa mort, André Lapierre se plaignait d’être coincé dans la même cellule que l’homme qui aurait tiré sur un policier dans « l’affaire Camara ». Les derniers appels de la victime, présentés au jury mardi, lèvent le voile sur sa cohabitation tendue en prison avec Ali Ngarukiye.

« Je ne mérite pas ça ! Je suis correct avec tout le monde. Je lui ai donné de la cantine. Ce trou de cul, je lui ai tout donné. Je lui ai même acheté du hasch, j’ai fumé avec lui », a confié André Lapierre à une amie, la veille de sa mort. Quelques heures plus tard, l’homme de 57 ans était « brutalement » tué par son voisin de cellule.

André Lapierre a eu le malheur de partager sa cellule avec Ali Ngarukiye en juin 2021 à la prison de Rivière-des-Prairies. Un matin, les agents correctionnels ont découvert le corps d’André Lapierre. Ali Ngarukiye, lui, se tenait debout devant la porte. Il n’avait utilisé aucune arme pour le tuer, selon la théorie de la poursuite.

Ali Ngarukiye, 24 ans, est accusé de meurtre au second degré. Son procès devant jury s’est ouvert lundi au palais de justice de Montréal. Seuls trois verdicts sont possibles : meurtre au second degré, homicide involontaire ou non criminellement responsable en raison de troubles mentaux. Il ne peut donc pas être acquitté. La santé mentale de l’accusé sera au cœur du procès.

Julie Lévesque, amie proche d’André Lapierre, est la dernière personne à lui avoir parlé avant sa mort. Elle a expliqué au jury que son ami était un héroïnomane et qu’il devait sortir de prison en septembre 2021 ou en janvier 2022. Ils étaient de bons amis depuis 15 ans et se parlaient tous les jours au téléphone.

La veille, elle avait discuté quatre fois au téléphone avec lui. Ces appels ont été présentés au jury. André Lapierre reprochait à Ali Ngarukiye de lui avoir volé ses vêtements et de les avoir mis dans la cuvette.

« Je suis allé me faire un café et quand je suis revenu, la toilette débordait. Il y avait de la marde partout. Je suis sûr qu’il a flushé mes vêtements », confie André Lapierre à son amie.

André Lapierre raconte ensuite à son amie qu’Ali Ngarukiye est en prison pour avoir tiré sur un policier. « Tu sais, le gars qui a été arrêté par erreur, l’homme noir qui a désarmé un policier. Le vrai coupable, c’est lui », a dit Lapierre à son amie pendant le dernier appel.

Alarmée, Julie Lévesque a alors mis son ami en garde. « Tiens ça mort, c’est un osti de malade mental. C’est un gars qui n’a plus rien à perdre. Lui, ajouter une charge, ça ne changera rien à son dossier », lui a-t-elle dit au téléphone.

« C’est pour ça que je ne suis pas en position pour [inaudible]. Je vais prendre mon mal en patience pour que je puisse partir d’ici le plus tôt possible », conclut Lapierre au bout du fil.

La juge Myriam Lachance a demandé au jury de ne pas conclure que l’accusé serait une « mauvaise personne » et qu’il serait plus susceptible de commettre un crime en raison des allusions à « l’affaire Camara ».

MLouis Bouthillier et MJean-François Roy représentent le ministère public, alors que MSharon Sandiford défend l’accusé.