Thierry Karsenti a travaillé en éducation même s’il a commis un crime de nature sexuelle sur une victime mineure, en 1991. C’est que l’homme a réussi à obtenir un pardon ; son casier judiciaire a ainsi disparu. Mais cet ex-professeur a de nouveau été reconnu coupable mercredi, cette fois de contacts sexuels sur un enfant de 11 ans. Comment tout cela a-t-il pu arriver ? MClaudia Morin Bérubé, avocate spécialisée en demandes de suspension de casier judiciaire, répond à nos questions.

En 2023, une personne coupable de contacts sexuels sur un mineur pourrait-elle obtenir un pardon ?

Depuis mars 2012, c’est extrêmement difficile pour une personne condamnée pour une infraction de nature sexuelle envers un mineur d’obtenir un pardon. Trois critères sont pris en considération. Premièrement, la personne ne devait pas être en position d’autorité ou de confiance envers la victime. Un enseignant, un parent, un tuteur ou un gardien d’enfants ne pourront donc jamais obtenir un pardon. Deuxièmement, elle ne doit pas avoir usé de violence lors de l’infraction. Troisièmement, il faut que la personne soit de moins de cinq ans l’aîné de la victime. Les trois critères doivent être respectés pour demander la suspension de son casier.

Le pardon de Thierry Karsenti sera-t-il révoqué puisqu’il a été reconnu coupable de contacts sexuels sur un mineur, mercredi ?

Je ne connais pas tous les détails de son dossier, mais le pardon de cet homme va fort probablement être révoqué considérant la nouvelle condamnation. Quelques situations peuvent en fait mener à la révocation de la suspension du casier judiciaire, par exemple si une personne est condamnée pour une nouvelle infraction ou s’il existe des preuves qu’elle a cessé de bien se conduire. Dès que le pardon est révoqué, le dossier réapparaît au plumitif et dans la base de données du Centre d’information de la police canadienne.

Est-ce que « pardon » et « suspension de casier judiciaire » sont des synonymes ?

Depuis mars 2012, on parle de « suspension de casier ». Avant cette date, on disait plutôt « pardon » ou « réhabilitation ». Lors de cette importante modification à la Loi sur le casier judiciaire, les délais avant de pouvoir demander un pardon ont aussi été allongés. Pour les infractions punissables par procédure sommaire, le délai est passé de trois à cinq ans. Pour les infractions ayant fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation, le délai est passé de cinq à dix ans.

Les personnes ayant commis un crime avant 2012 ont-elles été touchées par les modifications à la loi ?

Il y a une petite précision à faire. Les règles ont changé en 2012, mais il reste que les demandes de pardon pour les crimes commis avant cette date sont encore traitées selon les règles de l’époque. Par exemple, une personne qui ferait une demande de suspension de casier judiciaire en 2023 pour un crime commis en 2000, son dossier serait traité selon les règles d’avant 2012.

Si les règles d’aujourd’hui s’étaient appliquées…

Si les règles actuelles s’étaient appliquées en 1991, Thierry Karsenti n’aurait pas obtenu un pardon, car il se trouvait en position d’autorité sur sa victime mineure lorsqu’il a commis un crime de nature sexuelle. Comme ses antécédents ont disparu du plumitif, il a réussi à se bâtir une solide réputation dans le milieu de l’éducation. Il a été professeur à l’Université de Montréal et a été cité des centaines de fois dans les médias pour son expertise sur les technologies – comme la tablette – dans les écoles. Il a conseillé le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, en 2018. Il a dirigé des chaires de recherche. Mercredi, l’homme de 54 ans a été reconnu coupable de contacts sexuels sur une nouvelle victime, un enfant de 11 ans, pour des évènements survenus en 2015.

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