(Longueuil) Une sommité en enseignement, Thierry Karsenti, a été reconnue coupable de contacts sexuels sur un mineur, mercredi. Il s’est introduit dans la chambre d’un garçon de 11 ans à une dizaine de reprises en 2015 et a glissé sa main dans le sous-vêtement de l’enfant. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que l’homme, qui a réussi à se bâtir une brillante carrière dans le milieu de l’éducation, commettait un crime de nature sexuelle sur une personne de moins de 18 ans.

Le chercheur de renommée internationale a déjà été reconnu coupable d’une infraction criminelle similaire au début des années 1990, a appris La Presse. Il aurait fait au moins une victime de moins de 18 ans. Quelques années plus tard, il a obtenu un pardon. Toute trace de son casier judiciaire a disparu.

En l’absence d’antécédents visibles, il a obtenu un poste de professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Montréal et a dirigé la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication.

Il a également conseillé Sébastien Proulx alors qu’il était ministre de l’Éducation en 2018. Thierry Karsenti a été cité des centaines de fois dans les médias pour son expertise sur les technologies comme l’ordinateur ou la tablette dans les écoles.

Malgré son passé trouble, l’homme a aussi réussi à faire une nouvelle victime âgée de 11 ans, en 2015. Cette dernière ne peut pas être nommée en raison d’une ordonnance de la cour.

Lors du procès qui s’est tenu en mars, le jeune plaignant a affirmé que l’homme qui avait alors 46 ans s’est faufilé dans sa chambre à une dizaine de reprises, lui a demandé de se coucher sur le ventre et lui a flatté les fesses. Karsenti a ensuite glissé sa main dans le pantalon du garçon afin de lui caresser les parties génitales.

« Je ne l’ai pas fait », a toutefois martelé à de nombreuses reprises Thierry Karsenti lors de son témoignage devant la cour. Son avocate, MClara Daviault, a également tenté de soulever des incohérences dans les déclarations du jeune homme.

Mais la juge n’a pas retenu la version de l’accusé. Ses antécédents n’ont d’ailleurs jamais été évoqués. « M. Karsenti, je ne crois pas vos dénégations. Je ne les retiens pas et celles-ci ne suscitent pas de doute raisonnable », a déclaré la juge Ann-Marie Beauchemin, au palais de justice de Longueuil.

Le plaignant est un jeune homme crédible et ses allégations sont dignes de foi et je les retiens comme véridiques.

La juge Ann-Marie Beauchemin

« Il est vrai que son témoignage n’est pas exempt de lacunes et de contradictions, j’en suis consciente », a indiqué la juge à la lecture de sa décision, mercredi.

« Cela dit, je conclus que ces lacunes, même lorsqu’elles sont considérées cumulativement, n’impactent pas irrémédiablement la crédibilité de ses allégations selon lesquelles vous vous êtes livré à des attouchements sexuels à son endroit. »

Un soulagement pour la victime

À sa sortie de la salle d’audience, la procureure de la Couronne a souligné le courage de la victime qui a porté plainte contre son agresseur en 2019. « C’est un extrême soulagement pour lui et ça lui permet maintenant de passer à autre chose », a dit MAnne Gauvin.

La procureure a aussi déclaré que ce jugement envoyait un message fort aux victimes d’agressions sexuelles, car la juge se trouvait en présence de deux versions contradictoires, sans témoin.

« [Ça envoie le message] que c’est possible, que la voix d’une seule victime tient la route et peut mener à une déclaration de culpabilité sans aucune autre forme de preuve que leur propre témoignage », a fait valoir MGauvin.

« La juge l’a dit : le témoignage de ce jeune adulte au moment du procès n’était pas parfait. […] Alors les gens qui se demandent : “Est-ce que ma seule parole à moi suffit ?” Bien, la réponse est absolument, oui », a-t-elle plaidé de manière convaincante.

La victime, aujourd’hui âgée de 18 ans, peinait à trouver les mots pour exprimer son soulagement après l’annonce du verdict. « Je suis soulagé. Ça fait longtemps que tout ce processus est commencé », a dit l’adolescent. Il a affirmé avoir été bien entouré durant le processus judiciaire qu’il a somme toute trouvé très stressant.

« J’essayais de ne pas trop y penser parce que plus j’y pensais, plus je me posais de questions », a-t-il expliqué.

Sa mère, à son côté, a elle aussi souligné l’accompagnement que sa famille a reçu depuis que la plainte a été déposée à la police, en 2019. « On considère qu’on a été très bien épaulés, a-t-elle dit. Mais je peux comprendre que pour certaines personnes, tout ce processus-là, c’est difficile parce que c’est long. Il y a plein de moments où il ne fallait plus y penser. Il fallait juste essayer de vivre notre quotidien. »

Thierry Karsenti s’expose à une peine pouvant aller jusqu’à 14 ans d’emprisonnement. La peine minimale pour ce crime est d’une année de prison.

MGauvin n’a pas voulu s’avancer sur les antécédents de Thierry Karsenti. Selon nos informations, la Couronne a la possibilité de faire lever le pardon pour faire valoir que l’homme est un récidiviste en matière de contacts sexuels sur des mineurs.

Les parties seront de retour en cour le 28 août afin de fixer la date des observations sur la peine.

L’histoire jusqu’ici

1991 : Thierry Karsenti est reconnu coupable d’une infraction criminelle, mais il obtient un pardon. Son dossier criminel disparaît du plumitif. Il aurait fait au moins une victime de moins de 18 ans.

Mars 2021 : Le professeur est arrêté et accusé de contacts sexuels sur un mineur pour des évènements survenus en 2015 à Brossard. Il s’est faufilé dans la chambre d’un garçon de 11 ans et a caressé ses parties génitales.

19 juillet : Thierry Karsenti est déclaré coupable de contacts sexuels sur ce mineur.