« Je vais leur montrer, c’est quoi un sauvage. C’est quoi être dangereux ». Michel Vautour était un homme « extrêmement fâché ». Pour se venger des autorités, il a kidnappé une adolescente en plein jour pour la violer. Incursion rarissime dans la tête de l’un des pires sadiques sexuels au pays.

« C’était prémédité. Je m’imaginais que j’embarquerais une femme […] et que je l’agresserais sexuellement. »

La voix douce. Le discours érudit. Michel Vautour raconte calmement le cauchemar qu’il a fait vivre à une adolescente de 16 ans en 2020. Son but était clair : enlever l’adolescente sur le trottoir et l’agresser sexuellement. Mais son récit déraille. Soudain, il réécrit l’histoire et se donne le beau rôle. La jeune victime est si bouleversée dans la salle d’audience que le juge suspend l’audience.

Le prédateur sexuel de 46 ans joue son va-tout mercredi au palais de justice de Montréal. La Couronne demande qu’il soit déclaré délinquant dangereux et condamné à une peine à durée indéterminée. Si c’est le cas, il risque de ne plus jamais recouvrer la liberté. La défense s’y oppose.

Menottes aux mains, Michel Vautour témoigne en chaise roulante dans le box. Depuis sa tentative d’évasion spectaculaire d’un pénitencier en 2021 avec une longue corde et un grappin artisanal, il n’est plus question de prendre de chance. Il souffre d’une mystérieuse maladie des nerfs.

Les crimes commis par Michel Vautour – qui s’appelait alors Michel Cox – sont à glacer le sang. Surnommé « l’agresseur de Laval » au début des années 2000, il rôdait dans les rues la nuit pour repérer ses proies, muni de corde, de ruban gommé et d’un couteau. Il a agressé sexuellement huit femmes et adolescentes de 14 à 25 ans et a été condamné à 21 ans de pénitencier. Il avait déjà agressé une femme en 1995.

« C’était une escalade. Je prenais de la drogue, je me renfermais, et je tombais dans la sexualité déviante. Et ça descendait, ça descendait, ça descendait », explique-t-il dans un long monologue.

« J’utilisais la sexualité comme mécanisme d’adaptation. Ça m’a mené à faire des gestes déviants. […] J’avais tendance [à] le faire pour déstresser », poursuit-il. S’exprimant soigneusement, Michel Vautour utilise un langage propre aux experts pour décrire ses problèmes.

« J’étais extrêmement fâché »

Michel Vautour est libéré d’office en 2017 après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Il renoue avec une ex-conjointe et vit alors la plus « belle période de [s]a vie ».

Mais un signalement à la DPJ – injuste à ses yeux – vient tout gâcher. La Commission des libérations conditionnelles du Canada lui sert alors un « avertissement » pour avoir violé ses conditions en côtoyant des enfants seuls, mais le laisse en liberté. Il décide à contrecœur de rompre avec cette conjointe.

« Ça m’a fait extrêmement mal. J’étais extrêmement fâché. Ça m’a blessé. Je fais juste en parler et ça m’enrage. J’étais extrêmement en colère », lâche Michel Vautour.

À partir de là, tout dérape. « Je n’étais pas capable d’avaler la pilule […] J’étais extrêmement fâché et enragé », livre-t-il.

Deux mois plus tard, Michel Vautour fantasme de s’en prendre à une jeune femme. « Je vais leur montrer c’est quoi un sauvage », se dit-il alors. Pour se venger donc, il cible « random » une victime innocente qui marche sur la rue Saint-Viateur, dans l’arrondissement d’Outremont. Une adolescente de 16 ans.

« J’ai vu une femme, toute seule et personne à l’entour », dit-il. « Je ne savais pas que c’était une mineure ».

Son projet sinistre est bien planifié. Son véhicule est muni d’un gyrophare, puisqu’il travaille comme signaleur routier. Il a aussi des jumelles et des attaches autobloquantes (tie wrap). Il jure toutefois que ces objets n’avaient pas de lien avec l’enlèvement.

En plein jour, il aborde la victime et se présente comme un policier. Il fait croire à l’adolescente qu’elle est suspecte dans une affaire de drogue et la menotte, les mains dans le dos. Il la pousse sur la banquette arrière et lui pose un masque sur les yeux. L’adolescente se met à crier de toutes ses forces et tente d’ouvrir la portière. La victime est à moitié sortie du véhicule, mais Michel Vautour la retient fermement, crampé à l’arrière de l’habitacle. Quand la portière s’ouvre enfin, ils tombent tous deux au sol. L’adolescente est sous le choc et crie à pleins poumons. Michel Vautour prend la fuite en voiture. Il sera arrêté à Saint-Jérôme au terme d’une poursuite à grande vitesse.

Mercredi, Michel Vautour a offert une version édulcorée des évènements. C’est ce qui a bouleversé la victime. Quand la jeune était sur la banquette à l’arrière, il prétend s’être dit : « Qu’est-ce que je fais là ? Je ne peux pas ». Il prétend avoir dit à la victime qu’il n’était pas un policier et même qu’il voulait ensuite la détacher.

Pourquoi Michel Vautour n’avait pas de condoms avec lui ? Quel était son plan après l’agression sexuelle ? Comment allait-il se débarrasser des preuves ? La procureure de la Couronne MAnnabelle Sheppard a insisté sur ce point en contre-interrogatoire. « Je n’ai pas pensé plus loin. C’est pas arrivé », a juré l’accusé.

Interrogé sur la réaction de la victime dans la salle d’audience, Michel Vautour maintient avoir été « affecté » « De dire que je ne ressens rien, ce n’est pas vrai. Je ne suis pas fier de ce que j’ai fait. Ça me fait extrêmement de la peine », a-t-il assuré.

Le juge Jean-Jacques Gagné rendra sa décision en octobre prochain.