Le camionneur ayant happé mortellement une jeune femme de 22 ans, l’été dernier à Montréal, ne s’était pas immobilisé à l’arrêt et se trouvait dans une zone interdite aux véhicules lourds, selon un rapport du coroner. L’arrondissement, qui prépare un plan d’apaisement, assure que des aménagements seront mis en place.

C’était le 22 juin dernier. Alors qu’elle empruntait un passage piéton, Dilan Kaya a été happée mortellement par le conducteur d’un camion lourd au coin de la rue Bélair et de la 22Avenue, dans le quartier Saint-Michel.

Son décès avait causé une onde de choc. La Presse avait d’ailleurs rencontré dans la foulée le père de la victime, Cuma Kaya, qui ne s’expliquait tout simplement pas comment sa fille avait pu être fauchée de la sorte. L’homme ainsi que ses proches n’ont pu être joints à nouveau jeudi.

Dans un rapport sur cette affaire que nous avons obtenu, le coroner Jean Brochu conclut à une collision « accidentelle », en rappelant que la victime se trouvait dans l’angle mort du camion et que celle-ci ne « regardait pas du côté d’où venait le camion avant de traverser ». Au moment de l’impact, la jeune femme était engagée d’un mètre sur le passage piéton.

Cela dit, M. Brochu ajoute que plusieurs autres facteurs ont contribué à l’accident, dont le fait que « le camion ne s’est pas immobilisé complètement à l’arrêt sur la rue Bélair » et qu’il « se trouvait dans une zone interdite aux camions ».

Le panneau d’arrêt, qui avait été installé de façon temporaire en raison du chantier du SRB Pie-IX à proximité, était quant à lui « placé très bas et mal positionné », d’autant qu’il n’y avait pas de ligne d’arrêt sur la chaussée. Qui plus est, « le camion n’était pas équipé de miroirs antéviseurs permettant au conducteur de détecter la présence d’un piéton près de l’avant de son camion », lit-on dans le rapport.

Des recommandations

Bon nombre de recommandations sont formulées dans l’analyse du coroner, tout d’abord à la Société de l’assurance automobile (SAAQ), mais aussi à Transports Canada. À la SAAQ, M. Brochu suggère d’envisager de rendre obligatoire l’installation de « feux à éclat pénétrant » à l’avant des véhicules lourds ainsi qu’une alarme sonore extérieure « pour aviser les usagers vulnérables » se trouvant à proximité.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

La piétonne était engagée sur le passage piéton lors de la collision.

Selon le coroner, tous les camions devraient également être dotés de miroirs antéviseurs et de « systèmes de détection pour les piétons et cyclistes », autrement dit de « caméras et d’alarmes sonores […] pour aviser le chauffeur » de la présence de piétons ou encore de cyclistes.

Transports Canada devrait aussi rendre obligatoire la pose d’autocollants d’avertissement « ATTENTION, ANGLES MORTS », afin de sensibiliser tous les usagers à la réalité des véhicules lourds, dit Jean Brochu.

Le changement s’en vient, dit Montréal

Depuis plusieurs années, des résidants du quartier soulèvent des inquiétudes au sujet de la dangerosité de la rue Bélair, que bon nombre d’automobilistes ont empruntée pendant des années pour contourner les travaux liés au SRB Pie-IX.

« Tous les jours sans exception, j’ai peur pour ma sécurité et celle de mes enfants », lisait-on par exemple dans un message du résidant Maxime Thibault qui avait été envoyé dès novembre 2020 au conseiller d’arrondissement Sylvain Ouellet.

Appelé à réagir, ce dernier affirme que « le cœur du problème a été éliminé » dans le secteur depuis que l’intersection de la rue Jean-Talon avec le boulevard Pie-IX, où on érigeait jusqu’en novembre dernier un tunnel piétonnier, a été rouverte à la circulation.

« Même s’il y avait des chemins de détour pour les camions, ils ne les suivaient pas. Et le dernier endroit où tu pouvais tourner à gauche, c’était à Bélair. Ce n’est plus le cas maintenant, comme sur [le gros] du tronçon de Pie-IX entre le boulevard Rosemont et l’autoroute Métropolitaine », soutient M. Ouellet, qui ajoute qu’un dos-d’âne a aussi depuis été ajouté à l’ouest de l’intersection où est survenue la collision.

Si la circulation des camions a diminué depuis quelques mois, « il y a encore beaucoup de camions qui circulent sur la rue Bélair », constate quant à lui Maxime Thibault.

« Ils aiment mieux [cette rue] parce qu’il n’y a pas de lumières, c’est plus facile pour eux de rouler », dit le citoyen, qui aimerait surtout voir des sens uniques implantés dans la rue pour couper la circulation de transit.

« Il n’y a absolument rien qui a été fait pour empêcher que ça arrive de nouveau », dénonce M. Thibault, qui appelle la Ville à agir le plus rapidement possible.

« C’est vrai que la rue Bélair a une configuration particulière, et moi, j’aimerais personnellement revoir cette rue-là […] avec des aménagements permanents », répond Sylvain Ouellet. Il promet d’assurer que cela fera partie du prochain plan d’apaisement du quartier Saint-Michel, devant paraître dans les prochains mois. Le même exercice a déjà été réalisé pour les quartiers Parc-Extension et Villeray.

Avec Bruno Marcotte, La Presse

En savoir plus
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    Nombre de piétons tués dans les rues de Montréal en 2023, selon les données préliminaires du SPVM, un bilan en légère baisse par rapport à une moyenne de 16 depuis dix ans.
    Source : SERVICE DE POLICE DE LA VILLE DE MONTRÉAL
    79 %
    Proportion des établissements scolaires de niveau primaire ou secondaire, soit 455 sur 577, qui sont situés près d’une artère. La Commission sur le transport et les travaux publics recommande que Montréal priorise « la mise en place de mesures de sécurisation sur les rues artérielles qui n’en bénéficient pas déjà ».
    Source : ville de Montréal