Une adolescente de la DPJ a été agressée sexuellement par un intervenant du centre où elle était hébergée, révèle une décision de justice. Le dossier est sur le bureau de la directrice nationale de la protection de la jeunesse.

L’enfant était âgée de 14 ans au moment des faits, le 18 novembre 2022. Elle venait de recevoir un congé de l’hôpital et se trouvait dans un véhicule avec un employé de la DPJ de la Mauricie et du Centre-du-Québec qui devait la raccompagner vers le centre où elle habitait.

« Sur le chemin du retour, l’agent d’intervention lui met la main sur la cuisse. Il arrête le véhicule automobile dans une rue pour l’embrasser sur la bouche avec la langue, lui toucher les seins, les fesses, en profiter pour entrer sa main dans ses sous-vêtements et la doigter », écrit la juge Marie-Pierre Jutras, de la Cour du Québec, dans une décision datée de janvier, mais rendue publique cette semaine.

« Il menace la jeune de s’en prendre à sa fratrie, à sa famille ou à elle-même si elle devait dévoiler les faits », continue le jugement, prononcé à Drummondville. « Après lui avoir intimé de contenir ses émotions, il la ramène au centre de réadaptation. »

L’adolescente l’a dénoncé dès le lendemain. Elle a été interrogée par la police 12 jours plus tard. L’homme a été congédié, arrêté et fait maintenant l’objet d’accusations criminelles.

Même si son procès n’a pas eu lieu, la juge Jutras a estimé que l’agression sexuelle avait été prouvée « par prépondérance » aux fins de son analyse. Il s’agissait, par rapport à l’adolescente, d’« une personne en autorité qui avait pour principale tâche de la protéger », a-t-elle souligné.

Droits lésés

Ces évènements se retrouvaient devant la justice parce que l’adolescente et son avocate, MAudrey Fortier-Laperle, ont demandé à la Cour du Québec de reconnaître que ses droits ont été lésés par la DPJ.

La juge s’est ralliée à leurs arguments : « la Directrice n’a pas assuré la protection et la sécurité de l’adolescente puisqu’elle s’est fait abuser sexuellement par un agent d’intervention en exercice alors qu’elle était confiée à un centre de réadaptation », a-t-elle conclu.

MFortier-Laperle n’a pas voulu commenter le dossier.

Les avocats des parents n’ont pas rappelé La Presse. Le père a « fait vapoter du THC à sa fille lors de contacts supervisés, ce qui paraît inimaginable, mais c’est un fait », relate d’ailleurs la juge Jutras.

« Considérant que le dossier est toujours judiciarisé, nous n’émettrons pas de commentaire pour le moment », a indiqué Guillaume Cliche du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

En rendant sa décision, la juge a ordonné qu’une copie soit personnellement envoyée à la grande patronne de la DPJ régionale, mais aussi à la directrice nationale de la protection de la jeunesse Catherine Lemay. Jeudi, celle-ci n’avait pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse au sujet de ce dossier.

« Problématique »

Selon deux observatrices du monde de la protection de la jeunesse, ce cas est loin d’être unique.

La conférencière Nancy Audet, elle-même ex-enfant de la DPJ, n’était pas surprise de lire qu’une adolescente avait été agressée sexuellement par un employé de centre jeunesse.

Il s’agit d’un sujet « très important », a affirmé celle qui est aussi marraine de la Fondation des enfants de la DPJ.

« Souvent, il y a des congédiements, mais il n’y a pas de suites », a déploré Mme Audet, ajoutant que le dépôt d’accusations dans le dossier actuel était une « très, très, très bonne nouvelle ».

MSophie Papillon est une avocate spécialisée dans la protection de la jeunesse. Elle s’est particulièrement intéressée, depuis quelques années, à la procédure par laquelle des enfants de la DPJ peuvent faire reconnaître que leurs droits ont été lésés par le système.

Des jugements de ce type concernant des agressions sexuelles par des employés de la DPJ, « il y en a de plus en plus, on dirait », a fait valoir l’avocate. « Ce n’est pas fréquent, mais c’est une problématique qui existe, les abus sexuels en centre de réadaptation par des personnes en situation d’autorité. »

MPapillon juge « intéressant » et « nouveau » l’envoi d’une copie de la décision à la directrice nationale de la protection de la jeunesse, mais cette décision ne répare pas les dégâts. « Une enfant s’est fait abuser sexuellement dans un centre de réadaptation et elle n’a effectivement pas de réparation autre que le jugement en soi », a déploré l’avocate. « C’est, à mon avis, problématique. »

Selon la décision de la juge Jutras, l’adolescente au centre du dossier entretenait des idées suicidaires après les faits, mais elle irait mieux.