(Montréal) L’avocat Yanick Péloquin a témoigné lundi lors de l’enquête du coroner sur le décès de la sergente Maureen Breau le 27 mars à Louiseville, au Québec, dans la région de la Mauricie. Le coroner enquête également sur la mort d’Isaac Brouillard Lessard, 35 ans, qui a été abattu par la police dans son immeuble quelques instants après avoir attaqué Maureen Breau et blessé grièvement un autre policier.

Me Péloquin a raconté qu’il a eu un échange de textos de 45 minutes avec Brouillard Lessard qui s’est terminé environ deux heures avant l’arrivée de la police au domicile de son client pour l’arrêter pour profération de menaces et violation de sa probation.

« Rien dans la conversation n’était très intense, qui m’aurait laissé croire qu’il pourrait commettre quelque chose comme l’acte pour lequel nous sommes ici », a-t-il déclaré.

« Sinon, j’aurais appelé les autorités compétentes. »

Yanick Péloquin, qui a représenté Brouillard Lessard à la Commission d’examen des troubles mentaux du Québec en 2022, a affirmé qu’il a des frissons chaque fois qu’il regarde le dernier message de son client. Il n’a cependant pas décrit le contenu de ce texto, invoquant le secret professionnel de l’avocat.

L’avocat a avoué qu’il se sentait coupable après avoir appris la tournure des évènements.

« Mais j’ai compris par la suite que je ne pouvais pas le savoir », a-t-il ajouté, précisant qu’il n’avait jamais vu de signes de délire, de colère ou de comportement menaçant lors de ses interactions avec son client.

Fil des évènements

L’enquête a appris que la police avait rendu visite à Brouillard Lessard le 24 mars, trois jours avant l’attaque, après que ses parents eurent signalé son comportement troublant. Sur une période de trois jours, Brouillard Lessard avait lancé 43 appels et 481 textos à sa mère, dont la plupart étaient menaçants. Le 27 mars, il a menacé son oncle, qui a porté plainte à la police, ce qui a mené la police à vouloir l’arrêter. La mère de Brouillard Lessard avait dit à cet oncle qu’appeler la police était un moyen de lui apporter le traitement dont il avait besoin.

Selon Me Péloquin, lors d’une autre conversation téléphonique peu de temps avant le meurtre, son client lui a fait part d’inquiétudes quant à la possibilité qu’un policier vienne chez lui et le force à être hospitalisé pour des soins. Mais l’avocat a insisté lundi sur le fait que son client n’avait aucune colère envers la police, mais qu’il la craignait parce qu’il considérait qu’elle agissait au nom des psychiatres.

Au cours de cette conversation, Me Péloquin a dit à Brouillard Lessard de l’appeler si jamais la police se présentait chez lui.

L’avocat a témoigné qu’il supposait qu’il était probablement le seul ami de Brouillard Lessard au cours de la dernière année de sa vie, soulignant que son client était assez isolé et ne connaissait personne à Louiseville. Il a ajouté que Brouillard Lessard n’attendait pas avec impatience une audience prochaine en avril 2023 devant la Commission d’examen des troubles mentaux, l’organisme qui régit les conditions de mise en liberté des personnes accusées d’une infraction criminelle et qui ont été déclarées non responsables pour cause de troubles mentaux.

Brouillard Lessard avait été déclaré non criminellement responsable à cinq reprises pour des infractions en 2014 et 2018. Il avait également passé un an dans un hôpital psychiatrique de Montréal. Il était suivi par la commission depuis 2014. Lors de sa précédente comparution en janvier 2022, Brouillard Lessard s’était montré insolent et arrogant et estimait que le processus était prédéterminé, a souligné l’avocat.

En avril 2022, Brouillard Lessard avait obtenu une absolution inconditionnelle et deux ans de probation après avoir agressé un concierge d’appartement.

Témoignant plus tard lundi, Jean-Marc Poirier, un témoin représentant le bureau des procureurs du Québec, a déclaré que les nouvelles directives depuis l’attaque de la sergente Breau ont contribué à sensibiliser les procureurs aux décisions de la Commission d’examen des troubles mentaux. Les procureurs, a-t-il précisé, assistent désormais aux audiences de la commission, ce qui n’était pas le cas pour Brouillard Lessard.

L’enquête a permis d’apprendre que Brouillard Lessard ne respectait pas ses conditions de mise en liberté. Il consommait du cannabis et ne prenait pas ses médicaments.

Jean-Marc Poirier a affirmé que lorsque les conditions imposées par la commission ne sont pas respectées, ce n’est pas à la Couronne de porter des accusations criminelles. C’est plutôt à l’hôpital qui supervise le patient d’appeler la police – mais M. Poirier a déclaré que cela arrivait rarement.