L’ancien leader du groupe d’extrême droite Atalante va finalement hériter d’un casier judiciaire pour s’être introduit dans les locaux d’un média avec des complices masqués. La Cour d’appel a annulé jeudi la décision de la juge Joëlle Roy d’absoudre Raphaël Lévesque. Une seconde rebuffade pour la magistrate dans ce dossier.

Les jugements de la Cour d’appel cassant les conclusions de la juge Joëlle Roy pour des erreurs de droit continuent de s’accumuler. En octobre dernier, le plus haut tribunal de la province avait souligné plusieurs erreurs de la juge Roy pour annuler l’arrêt des procédures dans le dossier de corruption de Frank Zampino.

Également, La Presse révélait mercredi que le Conseil de la magistrature avait lancé une enquête sur les propos tenus par la juge Roy pendant un procès à l’égard du chroniqueur de La Presse Yves Boisvert en octobre dernier. Une dirigeante du Directeur des poursuites criminelles et pénales a porté plainte contre la juge puisque ses propos pouvaient « blesser les victimes et miner leur confiance » envers le système judiciaire.

Dans le dossier Lévesque, la juge Roy avait d’abord acquitté l’ex-leader du groupe d’extrême droite Atalante. Une décision infirmée en 2022 par la Cour d’appel qui l’avait plutôt reconnu coupable d’introduction par effraction. La Cour d’appel avait alors retourné l’affaire à la juge Roy pour l’imposition de la peine.

En 2018, Raphaël Lévesque et ses complices masqués étaient entrés dans les locaux du média VICE grâce à un subterfuge. L’accusé s’était d’abord présenté seul à la porte avec un bouquet de fleurs. Quand la réceptionniste l’avait laissé entrer, ses acolytes masqués étaient entrés dans les bureaux du média pour la remise d’un « trophée » rempli de mégots à un journaliste.

L’épisode, qui s’était déroulé sans violence et sans menace, avait néanmoins causé une « insécurité » parmi les journalistes, selon la Cour d’appel.

La Couronne réclamait un sursis de peine et 150 heures de travaux communautaires. On peut résumer le sursis de peine comme l’imposition d’un casier judiciaire. Il s’agit d’une sanction intermédiaire entre une peine de prison et l’absolution – soit l’absence de condamnation. De plus, l’absolution permet au délinquant de se départir rapidement de son casier.

Devant la cour, Raphaël Lévesque s’était plaint qu’une condamnation pour introduction par effraction mettait sa carrière de camionneur en péril, puisqu’il serait considéré comme un « voleur ». La juge Roy l’avait donc absous, puisque cela était dans son intérêt afin de conserver son emploi.

Or, la juge Roy a commis une erreur « déterminante » en acceptant que Lévesque avait démontré les conséquences « particulièrement néfastes » d’une condamnation, analyse la Cour d’appel.

« Il s’agit d’une erreur. Vu le fait que Lévesque occupe déjà cet emploi tout en ayant un casier judiciaire bien garni et sérieux, cela reflète, au mieux, une conséquence hypothétique sur son emploi », conclut la Cour d’appel.

L’ex-militant d’extrême droite a en effet été condamné à neuf infractions depuis 2002. Il a notamment été condamné à 12 mois de prison pour complot et trafic de drogue. Ainsi, il détient déjà un casier judiciaire. Sa nouvelle condamnation devrait toutefois reporter son admissibilité à un pardon.

Selon la Cour d’appel, la juge Roy n’aurait pas dû exclure la pertinence du critère de « bonne moralité au motif qu’il s’agit d’un critère élitiste, ambigu et obsolète ». Le plus haut tribunal de la province rappelle que la bonne moralité d’un délinquant est un aspect « important » dans l’imposition d’une peine.

« La présence d’antécédents judiciaire est particulièrement significative », souligne la Cour d’appel.

Également, la juge Roy a commis une erreur en empêchant la Couronne de contre-interroger Lévesque sur ses nombreux antécédents judiciaires. Selon la Cour d’appel, la juge a mal appliqué la Loi sur la preuve.

Pour toutes ces raisons, la Cour d’appel annule l’absolution conditionnelle et sursoit au prononcé de la peine.