Un instructeur des cadets de l’air a profité de sa position de pouvoir sur une adolescente pour l’agresser sexuellement. David Lobjoie, aussi artiste mouleur de vulves, prétendait que la victime voulait un examen des parties intimes compte tenu de son expertise. Une défense rejetée par le tribunal.

Achat d’un vibrateur, massages tout en étant de plus en plus dénudé, visionnement de photos érotiques : le modus operandi de David Lobjoie s’apparente à celui du « grooming », une approche graduelle pour gagner la confiance d’une mineure et l’exposer à la sexualité avant de l’agresser.

« La preuve démontre une lente, méthodique et constante gradation des étapes menant à une normalisation de la sexualité », a conclu le juge Dominique Dudemaine vendredi au palais de justice de Longueuil.

Le juge a ainsi reconnu David Lobjoie coupable d’exploitation sexuelle d’une mineure, d’agression sexuelle et d’avoir rendu accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite.

L’homme de 53 ans a été instructeur civil pour les cadets de l’air entre septembre 2015 et février 2020, un programme piloté par les Forces armées canadiennes. Il enseignait le civisme et le conditionnement sportif à des jeunes de 12 à 18 ans.

Relation de confiance

C’est dans ce contexte que David Lobjoie rencontre l’adolescente. Une relation de confiance se bâtit au fil du temps, si bien qu’il commence à lui donner des cours d’entraînement privés. La mère de la jeune fille fait alors confiance à David Lobjoie.

Or, à la demande de ce dernier, l’adolescente doit agir comme si elle ne le connaissait pas devant les autres cadets de l’air. Pas question de leur révéler les nombreuses rencontres au domicile de l’instructeur.

Après les entraînements, David Lobjoie commence à masser le dos de l’adolescente de 17 ans. Si la jeune fille est vêtue au départ, elle se dénude de plus en plus à la demande de son instructeur au fil des séances. Si bien qu’à la fin, elle ne porte plus de soutien-gorge ni de culotte.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

David Lobjoie, au palais de justice de Longueuil

« C’était comme un rituel », a décrit la victime au procès.

L’agresseur prend d’abord soin d’éviter les parties intimes de l’adolescente. Mais à une occasion, il masse le clitoris de l’adolescente. Lors de l’ultime massage, il insère un doigt dans son vagin. Des gestes non consentis par la victime.

En parallèle, David Lobjoie présente des photos et des vidéos de nature sexuelle à l’adolescente. Un stratagème pour banaliser la sexualité et normaliser son comportement, estime le juge. Il demande à l’adolescente de ne pas en parler, sinon il pourrait avoir des problèmes avec la cour martiale.

David Lobjoie montre aussi des photos de son pénis à la victime et lui dit à plusieurs reprises vouloir des relations sexuelles complètes avec elle. Il lui achète même un vibrateur et lui promet une séance photo de nudité à sa majorité.

En plus d’être photographe amateur, l’accusé est un artiste mouleur de vulves réputé dans cette petite communauté. Il participe notamment au Festivulve et à d’autres évènements depuis quelques années. Il a d’ailleurs moulé l’organe sexuel d’une amie de la victime.

Une version « cousue de fil blanc », selon le juge

Version cousue de fil blanc. Manque de candeur et de cohérence. Témoignage évolutif. C’est ainsi que le juge Dudemaine décrit le témoignage de David Lobjoie au procès. Par exemple, l’accusé a prétendu qu’une photo montrant une femme avec un godemichet n’était pas érotique. Il qualifiait l’image de « photo nue académique » visant à représenter la « lumière sur l’objet ».

David Lobjoie admettait avoir touché les parties intimes de l’adolescente, mais disait l’avoir fait sans but sexuel. Selon son récit, c’est la victime qui lui avait demandé de vérifier son vagin en raison de douleurs. Elle disait refuser de consulter un gynécologue, selon l’accusé.

« Elle m’a dit : “Tu fais des moulages depuis longtemps. Tu sais exactement comment c’est fait, une vulve féminine. Peux-tu voir si je suis faite comme les autres ?” », a témoigné l’accusé.

David Lobjoie soutient avoir agi comme un « parent » aurait agi dans le contexte, soit en procédant à un « examen anatomique » des parties intimes de l’adolescente. « J’ai constaté visuellement que son vagin était complètement fermé. J’ai posé des doigts sur la vulve, j’ai écarté et j’ai constaté une fermeture complète », a-t-il relaté.

Les nombreuses contradictions dans son témoignage ont mené le juge à rejeter complètement sa défense.

David Lobjoie n’avait aucune expertise pour procéder à un tel examen. De plus, un examen anatomique n’a rien à voir avec la technique de moulage, malgré les dires de l’accusé, selon le juge.

« Il y a des différences fondamentales entre les deux procédures. Il a tenté d’insuffler une aura de crédibilité », analyse le juge.

L’avocat de la défense, MLaurent Morin, a tenté de s’attaquer à la crédibilité de la victime en lui reprochant d’être retournée chez l’accusé après avoir été agressée par celui-ci. Cette tentative « inappropriée » de la défense perpétue les mythes et stéréotypes à l’égard des victimes, a rappelé le juge.

Quant à l’adolescente, elle a livré un témoignage « constant » et « crédible », selon le juge.

MJulie Sidara-Charron a représenté le ministère public.

Les observations sur la peine auront lieu dans les prochains mois.