Jeffrey Colegrove, considéré par les autorités comme un membre du crime organisé traditionnel irlandais, n’a pu profiter très longtemps des belles journées de l’été 2023.

Trois semaines à peine après avoir obtenu sa libération conditionnelle à la fin du mois de juin, celle-ci a été suspendue le 13 juillet parce que Colegrove a violé plusieurs de ses conditions, peut-on apprendre dans une décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) rendue juste avant Noël.

Colegrove, 57 ans, purge depuis janvier 2017 une peine d’emprisonnement de 12 ans pour trafic de drogue. Il avait été arrêté en 2015 par des enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans une maison de l’ouest de l’île de Montréal où, outre de la drogue, les policiers avaient découvert des armes, des lunettes tactiques, des viseurs laser et des gilets pare-balles.

Surprise au parc

Colegrove a obtenu sa libération d’office – automatique, aux deux tiers de sa peine – le 21 juin dernier, mais trois semaines plus tard, il a fait l’objet d’une vérification surprise de son agent de libération alors qu’il se trouvait dans un parc.

Contrairement à ce qu’imposaient ses conditions de remise en liberté, Colegrove avait téléchargé l’application de communication cryptée Telegram sur son téléphone cellulaire.

Confronté par son agent de libération, il a expliqué que l’application lui servait à suivre les nouvelles sur la guerre en Ukraine. En approfondissant la fouille de l’appareil, l’agent a également trouvé des recherches sur un individu envers lequel Colegrove avait des craintes de sécurité.

Au sujet d’un surnom enregistré dans le téléphone, Colegrove a dit que c’était le sien, mais, à la demande de l’agent, il a appelé ce contact, qui a refusé de s’identifier.

Dans un sac que Colegrove portait sur lui, l’agent a trouvé un autre téléphone emballé dans trois sacs de type Ziploc poussiéreux, comme si l’appareil avait été déterré. L’agent lui a demandé de le déverrouiller, mais Colegrove a refusé.

Des codétenus font son ménage

Les autorités ont retiré la carte SIM du téléphone, l’ont analysée et ont trouvé un nom de contact.

De nouveau confronté par son agent de libération, Colegrove a expliqué qu’il s’était équipé d’un deuxième téléphone pour pouvoir parler à son avocat, car dans le passé, ses conversations ont été écoutées par les autorités.

Il a dit que le contact en question était un compagnon de pêche.

Or, après vérification, il s’agissait du nom d’un individu « relié au crime organisé traditionnel irlandais en relation avec le clan colombien », peut-on lire dans la décision.

Mais ce n’est pas tout. Une fois la libération de Colegrove suspendue, un téléphone a été retrouvé en sa possession au pénitencier le 13 septembre dernier, et l’homme est devenu un sujet d’intérêt pour les agents correctionnels.

« Il a également été observé que peu de temps après votre retour en incarcération, des détenus influents faisaient déjà des choses pour vous, comme cuisiner et faire le ménage, ce qui démontre votre importance », écrit notamment le commissaire qui a écouté le témoignage de Colegrove en audience.

Ce dernier a nié tout lien avec le crime organisé traditionnel irlandais, a rejeté toute implication dans le crime et a maugréé contre ses conditions « disproportionnées » qui compromettent sa réinsertion, selon lui.

Mais son témoignage n’a pas eu l’effet escompté.

Le commissaire a révoqué sa libération, en raison d’un manque de transparence et des risques de récidive élevés.

« Pour arriver à cette conclusion, la Commission ne perd pas de vue le caractère persistant de votre criminalité, votre implication à un niveau élevé dans le trafic de drogue et vos difficultés antérieures dans la communauté à respecter vos conditions de libération, en vous déplaçant illégalement en liberté à plusieurs reprises et récidive dans ce contexte. La Commission ne constate aucun progrès depuis votre libération, considérant que vous étiez absent moins de trois semaines avant votre suspension », écrit-il entre autres dans sa décision.

Durant sa longue carrière criminelle, Colegrove s’est retrouvé à plus d’une reprise en liberté illégale, dont une fois durant six ans.

En 2018, alors qu’il était incarcéré, il avait été arrêté pour avoir présumément dirigé un réseau de trafic de stupéfiants, mais les accusations ont été abandonnées après qu’un juge eut statué que l’écoute électronique était illégale.

Jeffrey Colegrove était autrefois considéré par la police comme un acteur important de l’exportation à grande échelle de cannabis vers les États-Unis.

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