Il faisait trop noir. Claudine* n’osait pas sauter du balcon. Impossible de fuir son assaillant dans l’appartement. L’homme la rattrape, lui tire les cheveux et la viole. Une véritable nuit d’enfer. Le Montréalais accusé de ce crime était alors en liberté en attente de recevoir sa peine… pour avoir torturé une femme avec un marteau.

Cette fois, toutefois, Frantgy Espacio Jean-Marie va rester derrière les barreaux pendant tout le processus judiciaire. L’homme de 34 ans est accusé d’avoir agressé sexuellement Claudine en août 2021, mais également dans les années 2010, alors qu’elle avait de 14 à 16 ans.

« Le Tribunal considère que le prévenu représente, tant pour la communauté que pour la plaignante, un danger et qu’il existe une probabilité marquée qu’il commette une nouvelle infraction. […] Les probabilités de condamnation sont importantes », a déterminé la juge Nathalie Duchesneau, le 9 novembre dernier, en refusant de le libérer.

C’est en voyant le visage de Frantgy Espacio Jean-Marie dans un article de La Presse que Claudine a été capable d’identifier l’auteur de son agression. La jeune femme le connaissait seulement sous ses pseudonymes de « Jean-Marie Musac » ou « Katafale ». C’est pourquoi les accusations ont seulement été portées deux ans plus tard.

Notre article portait sur le verdict de culpabilité de Frantgy Espacio Jean-Marie au printemps 2021 dans une affaire d’une extrême violence. Le tortionnaire avait agressé sexuellement, battu et séquestré une femme sous son joug entre 2014 et 2018. Il a porté la décision en appel.

Lisez notre article de 2021

Jean-Marie avait torturé sa victime pendant trois jours, en lui donnant des coups de marteau à chaque réponse « mensongère ». Puis, il l’avait agressée sexuellement avec l’outil, alors qu’elle était bâillonnée avec un foulard. Le cauchemar de sa victime avait pris fin quand elle avait réussi à remettre à une femme un morceau de papier suppliant : « Appelez le 911 en silence. Ma vie est en danger. »

Reconnu coupable en avril 2021, Frantgy Espacio Jean-Marie a été condamné à sept ans de pénitencier en janvier 2022, puis mis en liberté pendant le processus d’appel. C’est donc avant de recevoir sa peine, à l’été 2021, que l’homme aurait agressé Claudine.

Selon les faits présentés à l’enquête sur sa mise en liberté, et qui n’ont pas été testés, Claudine passe la soirée avec Frantgy Espacio Jean-Marie au centre-ville de Montréal. De retour au logement de l’homme, dans Villeray, une autre femme s’y trouve déjà. C’est alors que l’accusé lui offre de l’amener à Toronto pour offrir des services sexuels. Ce qu’elle refuse.

Toujours selon la preuve présentée par la Couronne, Frantgy Espacio Jean-Marie force les deux femmes à s’embrasser en leur prenant la tête, puis les tire vers le lit en leur demandant une fellation. Quand Claudine refuse, l’accusé lui dit de « fermer sa gueule » et l’oblige à s’exécuter.

La plaignante tente de s’enfuir, mais Jean-Marie lui bloque le chemin et lui confisque son cellulaire, selon la preuve. Interceptée sur le balcon, Claudine tente de résister, mais finit par se résigner. Son assaillant l’agresse sexuellement, alors qu’elle est toujours debout. Il l’oblige ensuite à faire des gestes sexuels sur l’autre femme, puis la pénètre en portant un condom, selon la preuve.

« Chaque fois qu’elle lui dit qu’elle ne veut pas, il se fâche. Elle a eu peur de ne jamais pouvoir partir de l’appartement », a affirmé la procureure de la Couronne Me Sandra Tremblay.

Une fois libre, Claudine va au poste de police. Une trousse médicolégale sera utilisée. Or, c’est l’ADN de son ex-conjoint qui sera retrouvé sur sa culotte. En dénonçant son agression, Claudine révèle aux policiers avoir eu plusieurs rapports sexuels avec Frantgy Espacio Jean-Marie alors qu’elle avait entre 14 et 16 ans, une décennie auparavant.

« Elle se rendait dans un stationnement, puis l’accusé lui amenait une grosse bouteille de vodka, baissait son pantalon et lui demandait une fellation en lui prenant la tête. Même si elle n’en avait pas envie, elle le faisait. Il était très contrôlant et insistant. Puis il la ramenait chez sa mère », a résumé Me Tremblay.

Pendant l’audience, Frantgy Espacio Jean-Marie s’est dépeint comme un livreur de traiteur, un organisateur d’évènements et un vendeur de véhicules d’occasion. La juge n’a toutefois pas été convaincue par son plan de sortie, qualifiant ses réponses de « floues et hésitantes ». Son profil est de plus « inquiétant », estime la juge.

Par ailleurs, même si le profil génétique de l’ex-conjoint se retrouve sur la plaignante, cela ne permet pas de rejeter les infractions à ce stade, analyse la juge, puisque l’accusé aurait porté un condom.

Me Serge Lamontagne défend l’accusé.

*Prénom fictif