« Appelez le 911 en silence. Ma vie est en danger. » Madeleine* remet à la réceptionniste cette note désespérée écrite sur une page d’une Bible. Séquestrée et torturée au marteau depuis trois jours par son bourreau, elle doit faire vite. C’est peut-être son unique chance. Un récit d’une violence inouïe qui fait écho à la vague de féminicides présumés au Québec.

Son tortionnaire, Frantgy Espacio Jean-Marie, a été reconnu coupable le printemps dernier de nombreux chefs d’accusation au terme d’un long et tortueux procès d’un an marqué par la rétractation en bloc de Madeleine, forcée de témoigner à la suite d’un mandat d’arrêt contre elle, lancé par le juge.

Malgré ce revirement majeur, le juge Alexandre St-Onge a tout de même déclaré coupable le Montréalais de 31 ans de graves accusations, le 28 avril dernier, dont agression sexuelle armée, voies de fait armées et séquestration. Il a toutefois été acquitté d’une dizaine de chefs. Il était de retour au palais de justice de Montréal il y a quelques jours en vue de l’imposition de sa peine.

Cette histoire de contrôle et de violence extrême se déroule de 2014 à 2018 à Montréal, alors que Madeleine rencontre sur Facebook Frantgy Espacio Jean-Marie, alias Katafale. Pour protéger l’identité de la victime, nous ne pouvons cependant révéler certains éléments importants du dossier.

À l’Halloween 2014, en revenant d’une soirée, Frantgy Espacio Jean-Marie s’en prend violemment à Madeleine. Dans sa voiture, il la frappe au visage en lui « mentionnant vouloir voir sa tolérance à la douleur », puis se livre à des attouchements sexuels. À l’extérieur du véhicule, il l’agresse sexuellement lors d’une relation complète.

Abandonnée sur place, Madeleine hèle un chauffeur de taxi, qui appelle les policiers. La femme est sous le choc : elle pleure abondamment, tremble et est incapable de parler de façon cohérente.

Agressée avec un marteau

Quatre ans plus tard, en avril 2018, Madeleine est victime de sévices d’une rare violence aux mains de son bourreau. Cette nuit-là, Frantgy Espacio Jean-Marie impose une séance de torture à sa victime en l’interrogeant sur un autre homme. Il frappe Madeleine avec un marteau chaque fois qu’elle lui donne une réponse jugée « mensongère ». Elle reçoit de 5 à 10 coups à une hanche, au dos et à un coude.

Le lendemain, Madeleine est toujours séquestrée par Frantgy Espacio Jean-Marie, qui continue de la frapper à coups de marteau. C’est alors que l’accusé lui insère le manche en plastique du marteau dans les parties intimes en lui écartant les jambes. Il rentre et sort le marteau à plusieurs reprises, même si la victime, bâillonnée avec un foulard, le supplie d’arrêter.

C’est le lendemain de ce cauchemar que Madeleine déchire un morceau de papier dans une Bible et y écrit son appel à l’aide désespéré. Alors qu’elle accompagne son agresseur à un concessionnaire automobile de Laval, Madeleine remet la note à une réceptionniste et se cache dans les toilettes.

À l’arrivée des policiers, elle retire sa blouse et lance : « Ça fait trois jours que je suis séquestrée et il m’a battue à coups de marteau. » Frantgy Espacio Jean-Marie est arrêté. Il conservait sur lui les pièces d’identité de la victime.

Pas une « victime parfaite »

Le juge St-Onge a « complètement » (souligné dans le jugement) rejeté le témoignage de Frantgy Espacio Jean-Marie, à quelques exceptions près. Celui-ci niait la plupart des sévices et prétendait que la victime l’avait menacé de l’accuser faussement.

Loin d’être une plaignante sans failles, Madeleine ne s’est pas présentée à la suite de son contre-interrogatoire au procès, menant le juge St-Onge à lancer un mandat d’arrêt contre elle. À son retour à la barre, Madeleine a complètement désavoué son récit initial. Elle a expliqué avoir menti par jalousie pour nuire à l’accusé.

Or, le juge a rejeté « en bloc » la rétractation « invraisemblable » de Madeleine. En effet, de nombreuses preuves confirment « ultimement » le témoignage initial de la femme, dont des rapports médicaux et des témoins policiers, selon le juge. L’ADN de Madeleine a d’ailleurs été retrouvé sur le manche du marteau.

Le jugement ne précise pas pourquoi Madeleine s’est ainsi rétractée.

Cependant, la rétractation de Madeleine a nui à la crédibilité de son témoignage, contribuant à l’acquittement de Frantgy Espacio Jean-Marie sur plusieurs chefs. La victime rapportait avoir été battue à d’autres occasions par l’accusé, notamment avec un couteau, des fils électriques et une cigarette.

Les observations sur la peine sont prévues l’automne prochain. MPatrick Lafrenière représente le ministère public, alors que MCatherine Daniel Houle défend l’accusé. Notons que ce dernier a fait appel du verdict de culpabilité.

*Prénom fictif pour protéger l’identité de la victime