Une femme qui dit avoir été recrutée dès l’âge de 14 ans pour assouvir les pulsions sexuelles du milliardaire montréalais Robert Miller vient de déposer une nouvelle poursuite de 11,4 millions contre l’homme d’affaires. La plaignante affirme être restée sous son emprise pendant une décennie, avoir abandonné l’école secondaire et avoir développé des problèmes de consommation de drogue après l’avoir rencontré.

L’identité de la femme est protégée en vertu d’une ordonnance de la Cour supérieure. Elle dit avoir été recrutée très jeune par « le Réseau Miller », que ses avocats décrivent comme un système de recrutement de jeunes filles à des fins de prostitution juvénile.

La plaignante avait immigré à Montréal à l’âge de 13 ans avec sa famille. Elle avait grandi dans un milieu très modeste et strict. À 14 ans, elle a été engagée dans un salon de massage de Verdun, Angel Spa. Elle affirme qu’on y offrait des services sexuels, mais qu’elle l’ignorait au départ. Les gestionnaires de l’endroit ont d’ailleurs été arrêtés pour proxénétisme quelques années plus tard.

« Mister Wonderful »

Au salon de massage, il y avait un client spécial connu sous le surnom de « Mister Wonderful », affirme la poursuite. Selon la plaignante, il s’agissait de M. Miller.

« À chacune des visites de Robert Miller, le salon opérait exclusivement pour ce dernier, les lumières étaient complètement fermées et il entrait uniquement par la porte arrière du Salon, afin d’assurer la confidentialité des activités illicites », décrit la poursuite, rédigée par les avocats Jean-Philippe Caron, Gabriel Bois et Janique Soucy, du cabinet Calex Légal.

La plaignante affirme que lors de sa première rencontre avec M. Miller, elle lui a offert un massage normal, sans services sexuels. Mais le client est revenu la voir souvent par la suite en offrant beaucoup d’argent pour du sexe, et elle a commencé à obtempérer à l’âge de 14 ans, dit-elle. Elle assure qu’elle lui avait pourtant bien dit qu’elle fréquentait l’école secondaire.

« Il est manifeste que Robert Miller était complètement indifférent quant à l’âge de la demanderesse », affirme la poursuite.

Invitée dans une maison de Westmount

La femme affirme que M. Miller a ensuite déplacé leurs rencontres vers une maison de la rue Olivier, à Westmount, qui était détenue par une entreprise à numéro. À l’âge d’à peine 15 ans, elle aurait commencé à le visiter à cet endroit et à avoir des relations sexuelles complètes contre rémunération, lesquelles devaient avoir lieu sans préservatif à sa demande, dit-elle.

L’entreprise à numéro qui possédait la maison a eu comme dirigeants et actionnaires au fil des années plusieurs avocats de grands bureaux montréalais, souligne la poursuite : MSamuel Minzberg, de Davies Ward Phillips & Vineberg, puis MWilfrid Lefebvre, de Norton Rose Fulbright, puis MJules Charette, du même cabinet. Robert Miller n’apparaissait pas comme propriétaire, mais en 2023, lorsqu’il a été visé par des allégations d’abus sexuels sur des mineurs, l’entreprise à numéro a été transférée à son nom.

« Il est fort probable que Robert Miller ait toujours été le réel bénéficiaire de [l’entreprise à numéro] et que tous les précédents administrateurs et actionnaires agissaient directement et/ou indirectement pour le compte de Robert Miller », affirme la poursuite. Dans celle-ci, la femme décrit M. Miller comme un homme méfiant qui se savait traqué par la police et qui mettait en place toutes sortes de mesures pour éviter de se faire prendre.

MJules Charette a déjà expliqué à La Presse qu’il n’avait aucun commentaire à formuler sur cette affaire. MMinzberg et MLefebvre n’avaient pas encore réagi au moment où ces lignes étaient écrites.

Dépression et troubles alimentaires

La plaignante affirme avoir cessé d’aller à l’école secondaire et de travailler pour vivre uniquement des sommes versées par le milliardaire. Elle raconte l’avoir fréquenté quatre ans comme mineure, puis environ six ans après avoir atteint la majorité. Elle raconte avoir commencé à consommer de la drogue et à éprouver des problèmes psychologiques « qui découlent directement de l’isolement, du sentiment de honte persistant et de la détresse créés par le Réseau Miller ».

« La Demanderesse a souffert d’une dépression, en plus de sévères troubles de l’alimentation et de consommation de drogues », précise la poursuite.

La femme réclame maintenant 11,4 millions de dollars en dommages à Robert Miller, à son ancienne entreprise Future Electronics (qui vient d’être vendue à une société de Taiwan) et à Sam Abrams, ancien employé de l’entreprise qui aurait participé au « Réseau Miller ».