Quatorze victimes. Des adolescentes appâtées par des contrats de mannequinat. Des amies du secondaire attirées par des « défis » sexuels. Jean-Sébastien Béland, un prédateur récidiviste, a profité sexuellement de jeunes filles pendant des années grâce à son aura de patron d’une agence de mannequins.

Le procès du Trifluvien de 51 ans devait s’ouvrir lundi prochain pour une durée de trois mois. Mais Jean-Sébastien Béland a plaidé coupable vendredi au palais de justice de Montréal à une trentaine de chefs d’accusation. Il risque une longue peine de détention et possiblement une étiquette de délinquant à contrôler ou dangereux.

Jean-Sébastien Béland faisait miroiter à ses victimes une carrière internationale dans le mannequinat et l’obtention de contrats importants. Il faisait en sorte que ses proies se sentent belles et « spéciales ». Puis, sous divers prétextes, il les menait à faire des gestes sexuels en échange d’argent. Mais en toile de fond, la victime gardait espoir de faire carrière.

L’un de ses modus operandi était de demander des « massages » à ses victimes, puis de profiter de leur naïveté ou de son ascendant pour s’en prendre à elles. Un autre stratagème était celui des « défis ». Il remettait alors des centaines de dollars à la jeune fille après l’acte sexuel. Une façon de faire de « l’argent facile », disait-il.

Tremper sa main dans l’huile et l’apposer sur une feuille. Pour Jean-Sébastien Béland, cela représentait une « preuve de consentement ». C’est ce qu’il a demandé de faire à une victime de 16 ans, sous son autorité, qui venait de lui faire une fellation. Comme tant d’autres, il avait recruté cette jeune fille dans son agence de mannequins.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Jean-Sébastien Béland

Une autre victime, aussi âgée de 16 ans, rêve de devenir mannequin. Elle participe aux auditions de l’agence BModels. Le patron, Jean-Sébastien Béland, se vante d’avoir mené plusieurs filles à percer à l’international. Il incite l’adolescente rêveuse à accomplir des « défis » sexuels. Elle doit alors signer des documents pour « certifier » qu’elle accepte les défis.

« Plus tu vas me faire plaisir et plus je vais te faire plaisir. Voilà ! »

Cette déclaration de Jean-Sébastien Béland résume sa relation avec l’adolescente, qu’il surnomme « ma lapine » et « mon amour ». Quand elle décroche un « gros contrat » de mannequinat, elle doit réaliser plus de « défis », un euphémisme pour des services sexuels rémunérés.

Si un « massage » vaut 100 $ à la victime, d’autres gestes, comme une séance de masturbation, sont payés davantage par Béland. Parfois, il demande à la victime de piger un billet dans une grosse boîte remplie de billets de banque.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jean-Sébastien Béland au palais de justice de Montréal vendredi

Une autre adolescente a eu son rêve brisé par Jean-Sébastien Béland. La fille de 15 ans tombe dans l’œil du patron de l’agence. Il lui dit voir quelque chose de « rare en elle ». Mais pour obtenir des contrats à l’international, elle doit être plus « cool » et « rebelle ». C’est alors qu’il s’en prend à elle une première fois.

Pour discuter de contrat, Béland se rend dans un rang de campagne avec l’adolescente. Il lui dit avoir dépensé une somme importante pour sa carrière. Se sentant forcée d’obtempérer, elle le masturbe, dégoûtée. L’adolescente signe ensuite un contrat de mannequinat avec lui.

De telles histoires de rêves brisés et d’adolescentes abusées sont nombreuses dans le résumé des faits d’une trentaine de pages déposé à la cour.

Trois amies du secondaire parmi les victimes

Jean-Sébastien Béland a également profité de trois amies de la même école secondaire de Lanaudière. Sa première victime, rencontrée par l’entremise d’une offre d’emploi sur Kijiji, lui a rendu des services sexuels pendant deux ans. Souvent, ils se rencontraient après l’école, non loin de là. L’adolescente portait toujours son uniforme scolaire.

Jean-Sébastien Béland est manipulateur : il promet à l’adolescente de démarrer avec elle une agence de mannequins. Il l’invite dans un chalet et organise une séance avec un photographe professionnel.

« Il lui met de la pression pour qu’elle amène d’autres amies sous forme de « défis », ce qu’elle fait à plusieurs reprises », résume l’exposé des faits. Deux amies de l’adolescente tomberont aussi dans les griffes du prédateur.

Jean-Sébastien Béland a été condamné à 45 jours de prison la fin de semaine en 2010 pour avoir exploité sexuellement une adolescente. Il lui était depuis interdit d’être en position d’autorité avec des mineurs. Malgré cette étiquette de prédateur sexuel, il a pu continuer sans problème ses activités.

Le criminel a réussi à brouiller les pistes de nombreuses façons, notamment en inscrivant le nom d’un faux dirigeant au Registre des entreprises. La Presse avait révélé en 2019 que Béland avait de l’argent parce qu’il avait remporté la loterie Gagnant à vie de Loto-Québec.

MCamille Boucher et MDelphine Mauger représentent le ministère public, alors que MJulien Lespérance Hudon défend l’accusé. Le dossier sera de retour en cour en mars prochain.