À l’issue d’une enquête qui aura duré plus de deux ans et demi, la Sûreté du Québec a saisi plus de 56 000 plants de cannabis pour lesquels les présumés producteurs illégaux possédaient 88 certificats d’inscription de production personnelle à des fins médicales émis par Santé Canada.

Par voie de communiqué, la SQ a annoncé mercredi après-midi l’arrestation de huit individus âgés entre 30 et 62 ans. Trois autres doivent être éventuellement arrêtés.

Ces suspects au pouce vert font face à une vingtaine d’infractions en lien avec la Loi sur le cannabis.

Outre les 56 000 plants, les policiers ont également fait main basse sur près de 2,5 tonnes de cannabis en vrac prêt à la vente, 130 grammes de haschich, 10 kilogrammes de produits comestibles, plus de 275 000 $ en argent comptant, de l’équipement de production valant plus de 2,5 millions et six propriétés ayant servi à commettre les infractions, évaluées à plus d’un million de dollars.

Prête-noms et jardiniers

Selon des documents judiciaires dont La Presse a obtenu copie, l’enquête baptisée Razzia a débuté en janvier 2021 à la suite d’une saisie de 165 livres de cannabis réalisée conjointement par la Police provinciale de l’Ontario et la Division des enquêtes sur la contrebande de la SQ.

Rapidement, les enquêteurs de la SQ ont identifié des sujets d’intérêt et les ont suivis, et ceux-ci les ont menés, de fil en aiguille, à une trentaine d’adresses différentes, surtout à Montréal, mais aussi à Daveluyville, Sainte-Anne-des-Plaines, Sainte-Christine et Saint-Paulin.

Ils ont également constaté que 88 certificats d’inscription de production personnelle de cannabis à des fins médicales de Santé Canada étaient associés à ces adresses et que 22 personnes observées n’avaient aucun lien avec ces permis.

« Plusieurs détenteurs de certificats n’ont jamais été observés à leur site de production de cannabis. De plus, nous avons constaté des échanges de boîtes et de sacs s’apparentant à de la distribution de cannabis ».

« En résumé, la présente enquête démontre qu’un groupe d’individus est à la tête d’une cellule criminelle qui utilise de façon frauduleuse des certificats afin de produire du cannabis illicite à grande échelle. Plusieurs personnes sont utilisées comme prête-noms afin de permettre l’obtention de certificats d’inscription auprès de Santé Canada. Alors que des sites de production sont démantelés par les policiers, des employés sont réaffectés à d’autres sites de production également sous enquête ».

« Notre enquête démontre que l’organisation criminelle travaille comme une véritable entreprise. Certains sujets ont un rôle décisionnel et sont appelés à monter, superviser et gérer des sites de production. D’autres ont un rôle de jardinier et sont observés sur différents sites afin d’y travailler de longues heures. Finalement, certaines personnes servent uniquement de prête-noms et ne sont pas observées sur les sites de production de cannabis », explique l’enquêteur Michael Dubé dans des déclarations assermentées au soutien de mandats de perquisition obtenus par La Presse.

Un entrepôt rempli

Plusieurs des adresses repérées ont été perquisitionnées.

Dans un entrepôt de la rue April, dans le secteur Pointe-aux-Trembles, dans l’est de Montréal, les limiers ont mis la main sur pas moins de 18 000 plants de cannabis qui poussaient dans 11 locaux, sur deux étages, avec l’aide d’un équipement sophistiqué.

« Le 12 août 2021, les policiers constatent que plusieurs thermopompes sont installées sur le bâtiment et une forte odeur de production de cannabis est perceptible », peut-on encore lire dans un mandat de perquisition.

Durant l’enquête, les policiers n’ont observé à cet endroit aucun des détenteurs supposés de certificats de Santé Canada reliés à cette adresse, mais ont constaté que plusieurs personnes qui n’avaient aucun lien avec les certificats y passaient de longues heures et que des quantités de cannabis étaient distribuées à partir de ce bâtiment commercial.

Il y a un an, pratiquement jour pour jour, La Presse a publié un article dans lequel des représentants de la SQ, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), du Service de police de Laval (SPL) et du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) dénonçaient le détournement, par le crime organisé, du programme fédéral de production personnelle de cannabis à des fins médicales.

Selon des sources policières, il semble que depuis un an, le nombre de certificats actifs auraient légèrement diminué et que Santé Canada ferait davantage de vérifications.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.