Un agresseur sexuel qui risque 18 mois de prison continue de se moquer de la justice québécoise. Dix mois après avoir été reconnu coupable, Haroun Cheikh Sidiya a contesté la « juridiction » du Québec et s’est emmuré dans le silence en sortant de l’écran mardi depuis une prison du Manitoba.

« M. Sidiya, vous pouvez croire que c’est une protestation valide de votre part, mais vous ne gagnez rien à faire ça », l’a sermonné le juge Salvatore Mascia, en faisant inscrire au procès-verbal que l’accusé s’était « retiré dans le silence ».

Le dossier de Haroun Cheikh Sidiya est kafkaïen. L’homme de 32 ans a été reconnu coupable, en septembre dernier, d’avoir agressé sexuellement une femme dans des résidences universitaires de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en 2018.

Or, l’audience pour déterminer la peine n’a toujours pas eu lieu puisque Haroun Cheikh Sidiya est détenu dans sa province natale du Manitoba dans une affaire de contact sexuel sur une mineure. Depuis, un problème de technologie a rendu quasi-impossible la tenue d’une audience par visioconférence. Les prisons du Manitoba utilisent la plateforme Cisco, et non Microsoft Teams, comme au Québec.

C’était donc la première fois depuis des mois mardi qu’on pouvait voir à l’écran Haroun Cheikh Sidiya, maintenant affublé d’une longue barbe noire. Dans une scène surréaliste, l’accusé n’est resté que quelques secondes à l’écran.

« Je n’ai pas consenti à être ici. Je ne suis pas à Montréal. Je ne souhaite pas comparaître. Pourriez-vous me reprendre svp ? Vous n’avez pas juridiction ici », a lancé celui qui se représente seul, en réponse à la procureure de la Couronne. En effet, le juge Mascia n’était même pas encore dans la salle d’audience pendant cet échange.

À son arrivée, le juge Mascia a dû demander au constable spécial du Manitoba, seul visible à l’écran, si l’accusé entendait ses propos et choisissait de ne pas répondre, puisque celui-ci ne disait rien. Une scène étonnante. Le juge a d’ailleurs relevé la « conduite passive-agressive » de l’accusé.

« Voulez-vous un rapport présentenciel ? Bon, toujours pas de réponses », a même insisté le juge Mascia.

Le magistrat a ordonné que Haroun Cheikh Sidiya soit amené à Montréal en octobre prochain pour les observations sur la peine. Il reste toutefois à voir si les autorités manitobaines transporteront réellement l’accusé au Québec. En effet, en juin dernier, un ordre signé par la Cour supérieure du Québec pour le faire venir à Montréal a été ignoré par les autorités du Manitoba, au grand désarroi du juge Mascia.

Toutefois, la procureure MAnna Levin est depuis en contact avec le ministère de la Sécurité publique du Québec et une procureure de Winnipeg dans ce dossier. Par ailleurs, MLevin a annoncé son intention de réclamer une peine de 18 mois de détention.

En 2018, Haroun Cheikh Sidiya s’était fait passer pour un bon Samaritain afin de raccompagner dans sa chambre la victime, croisée dans le corridor pendant la nuit. Il en avait profité pour agresser sexuellement la femme dans la cage d’escalier. À son procès, l’homme mesurant plus de 6 pieds avait prétendu s’être senti « vulnérable » devant cette femme pourtant beaucoup plus petite que lui.