(Montréal) Pour lutter contre le profilage racial, le groupe de pression Coalition Rouge demande au SPVM de consigner la « race ou l’ethnie » des personnes interpellées sans motif par les policiers.

« C’est la seule façon d’obtenir des statistiques probantes pour démontrer ce que toutes les personnes racisées savent : qu’elles sont disproportionnellement interpellées », a indiqué le directeur profilage racial et sécurité publique de l’organisme, l’ex-policier Alain Babineau, lors d’une conférence de presse tenue presque exclusivement en anglais dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Obtenir ces chiffres permettra d’accélérer la lutte contre le profilage racial, estime M. Babineau, qui a travaillé au Bureau de la commissaire à la lutte au racisme et aux discriminations systémiques de Montréal de 2021 à 2022.

Cyrus Senior, un homme noir de 27 ans, se considère comme une victime de profilage racial. Le 23 juin, l’ingénieur logiciel, aussi DJ à ses heures, s’est rendu à un bal de fin d’études pour s’occuper de l’aspect musical de la soirée. Alors qu’il raccompagnait son ami en voiture vers 2 h du matin, Cyrus a été interpellé par un policier.

« Il m’a dit qu’il m’arrêtait parce que je conduisais à une heure inhabituelle. Il m’a aussi dit qu’il m’arrêtait parce que la voiture était enregistrée au nom d’une femme [sa mère] », a-t-il raconté lors de la conférence de presse de vendredi. Pour Cyrus, la véritable cause de son arrestation est évidente : la couleur de sa peau. Le jeune homme affirme que sa conduite était exemplaire.

Plusieurs demandes au SPVM

Les interpellations ne doivent pas être basées sur un pressentiment, soutient M. Babineau. C’est pourquoi la Coalition Rouge aimerait que les interpellations fassent l’objet d’un encadrement légal. L’organisme demande désormais que les policiers aient un « soupçon raisonnable dans les cas où un crime est sur le point de se produire ou s’est produit » avant d’interpeller une personne.

De plus, Coalition Rouge souhaite que les policiers distribuent des reçus à chaque personne interpellée arbitrairement. Le papier devrait contenir le nom de l’agent, son numéro de badge et les instructions pour déposer une plainte au Service de police.

Peu de progrès depuis 2019

Un rapport commandé par le SPVM et dévoilé le 22 juin a révélé que la police stagnait dans sa lutte contre le profilage racial. En 2021, les Autochtones étaient 6 fois plus susceptibles d’être interpellés par la police que les personnes blanches. La même année, les personnes noires étaient interpellées 3,5 fois plus souvent que les personnes blanches, d’après les recherches d’une équipe menée par le professeur Victor Armony.

Le rapport recommandait ainsi de mettre fin à toutes les interpellations sans motif afin d’accélérer la lutte contre le profilage.

La mesure n’a pas été adoptée par le SPVM. Son chef, Fady Dagher, avait mentionné le 22 juin qu’il était préférable de régler le problème à la source.

Les relations médias du SPVM n’ont pas réagi aux demandes de Coalition Rouge, mais ont rappelé à La Presse que M. Dagher souhaitait une interpellation policière « exempte de biais » et « respectueuse des droits et libertés de toutes les populations ».