Des policiers déplorent les longs délais pour parler avec un juge de paix magistrat

Le délai ferme de 24 heures maximum pour la comparution d’un accusé n’est pas la seule source d’irritation pour les policiers, qui se plaignent également du fait qu’il leur est de plus en plus difficile d’obtenir rapidement des mandats de perquisition.

La Presse a échangé avec des policiers qui affirment qu’à Montréal, lorsqu’ils doivent prendre rendez-vous pour parler avec un juge de paix magistrat pour demander une autorisation judiciaire, les délais sont souvent d’une semaine à dix jours.

« Déjà que les enquêtes sont de plus en plus complexes en fonction de la nouvelle réalité, les jurisprudences, les données que l’on recueille, etc. Un dix jours de délai dans l’obtention d’un mandat de perquisition dans une enquête, ça peut être très long. Il s’en passe, des choses, en dix jours, la situation peut évoluer », affirme Pierre Brochet, président de l’Association des directeurs de police du Québec et chef du Service de police de Laval.

« Les juges de paix en demandent de plus en plus et refusent de plus en plus de mandats. Et les contentieux des organismes visés veulent eux aussi des mandats. Il se peut donc que des enquêtes soient fermées à cause de cela, et ce sont la société et les familles qui en souffrent », déplore un policier qui n’est pas autorisé à parler aux médias et selon qui les juges de paix refusent de plus en plus l’utilisation de certaines techniques d’enquête.

« Cela rallonge et ralentit l’enquête, et diminue l’efficacité. Il faut trouver une solution, sinon ça va être difficile », déplore M. Brochet.

Ils [les juges] doivent pouvoir répondre dans un délai, au niveau des mandats de perquisition et des comparutions, qui doit être mieux adapté à la réalité policière.

Pierre Brochet, président de l’Association des directeurs de police du Québec

« On aurait beau, à travers le Québec, avoir les meilleurs services d’enquête, déposer des accusations et être extrêmement efficaces, il faut que ça s’arrime avec le DPCP et les juges. C’est un tout. Ça ne peut pas être dissocié. On a présentement cet enjeu-là », ajoute M. Brochet.

Explosion d’autorisations judiciaires

« Le XXIe siècle nous a rattrapés ! Depuis que j’ai débuté durant les années 1980 et depuis l’avènement des moyens technologiques, le nombre de mandats qu’on peut demander et obtenir a triplé », réplique Chantale Pelletier, juge en chef adjointe de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec.

« Il est certain que les enquêtes se sont complexifiées, et les autorisations judiciaires ont chacune leur formulaire. Mais il existe une jurisprudence nombreuse, notamment de la Cour suprême, sur l’exigence qu’on attend de la part du juge qui autorise un mandat, car c’est un droit constitutionnel », poursuit la juge Pelletier.

On s’immisce dans la vie d’une personne. Donc, il faut que les motifs soient examinés par un juge, et tout ça prend plus de temps.

Chantale Pelletier, juge en chef adjointe de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec

Mme Pelletier réfute toutefois que les délais puissent être de dix jours pour obtenir un rendez-vous avec un juge de paix magistrat.

Elle affirme qu’un système de priorité a été mis en place, justement, pour que les demandes plus urgentes soient avantagées.

Elle ajoute que depuis janvier dernier, les demandes peuvent s’effectuer virtuellement, pour éviter que les policiers aient à se déplacer au palais de justice, une demande qu’ils avaient eux-mêmes formulée, dit-elle.

La juge Pelletier dit qu’il y a trois juges de paix magistrats à temps plein à Montréal pour répondre aux demandes de mandat de perquisition et que d’autres sont assignés en dehors des heures de bureau, 24 heures sur 24, 365 jours par année.

« Je comprends les policiers de ne pas aimer que l’on ait établi des priorités, mais on doit prioriser les demandes plus urgentes avant de s’occuper de celles qui le sont moins.

« Je suis convaincue que la priorisation est bien faite par les juges de paix magistrats parce que ce sont des spécialistes et ils sont habitués à ce type d’enquêtes, particulièrement ceux de Montréal », conclut Mme Pelletier, invitant les policiers à communiquer avec elle s’ils ne sont pas satisfaits.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

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