La vieille alliance mafia-motards mise à mal, le clan Rizzuto aux abois.

Le meurtre de Claudia Iacono survenu à Montréal le 16 mai pourrait s’inscrire dans une lutte de pouvoir plus large au sein du crime organisé montréalais dont l’enjeu initial est le contrôle des lucratifs paris sportifs illégaux.

Dans les milieux policier et criminel, on avance que le meurtre de la bru du défunt mafieux Moreno Gallo est une réplique à la tentative de meurtre dont Leonardo Rizzuto, fils cadet de Vito Rizzuto, a été victime à la mi-mars à Laval, et qui serait motivée par le contrôle des jeux en ligne.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Claudia Iacono, la bru du défunt mafieux Moreno Gallo, a été tuée mardi alors qu’elle était au volant de sa voiture dans l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Pour la première fois en sept ans, le crime organisé montréalais pourrait être entré dans une nouvelle « lutte de pouvoir » avec l’attentat raté contre Leonardo Rizzuto, croient les corps de police qui enquêtent sur les motards et la mafia.

Le clan sicilien ferait face à un groupe concurrent dirigé par un membre influent des Hells Angels, et les tensions sont vives.

Après la mort de Vito Rizzuto en 2013, mafia, motards et gangs se partageaient le pouvoir de façon à peu près égale dans une alliance décapitée par la Sûreté du Québec en 2015.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Funérailles de Vito Rizzutto, en 2013

Depuis, des Hells Angels de la section de Montréal chercheraient à s’emparer du « livre » des paris sportifs illégaux et des prêts usuraires, historiquement contrôlés par le clan Rizzuto. Le groupe de motards s’est associé à deux spécialistes des jeux en ligne : Francesco Del Balso, lui-même un ancien membre du clan Rizzuto, et Rob Barletta, un ancien motard de l’Ontario qui a rejoint les rangs des Hells Angels de Montréal.

Les policiers ont su que des acteurs importants du clan des Siciliens et des motards ont eu des discussions animées durant la dernière année.

Les astres alignés

En 2023, les astres sont peut-être alignés pour des ennemis ambitieux du clan Rizzuto.

L’un de ses chefs, Stefano Sollecito, est gravement malade.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Stefano Sollecito au Centre judiciaire Gouin, en 2018

Au fil des ans, le clan a été affaibli par des luttes internes.

Sans oublier les frappes policières récurrentes et l’importante enquête en cours autour de l’ancien tueur à gages devenu témoin collaborateur Frédérick Silva, véritable épée de Damoclès qui risque de s’abattre sur le clan.

PHOTO FOURNIE PAR LA SÛRETÉ DU QUÉBEC

Benoit Dubé, inspecteur-chef aux enquêtes à la Sûreté du Québec

Les adversaires du clan Rizzuto voient peut-être une belle occasion et pensent avoir l’impulsion pour prendre le contrôle.

L’inspecteur-chef Benoit Dubé, grand patron des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, rencontré par La Presse avant le meurtre de Mme Iacono

« La collaboration du témoin Frédérick Silva cause assurément un certain émoi dans le crime organisé montréalais », confirme Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), également interviewé avant l’assassinat de la femme de 39 ans.

Guerre ou paix

Leonardo Rizzuto, avocat et fils cadet du défunt parrain de la mafia Vito Rizzuto, a miraculeusement survécu à une tentative de meurtre par balle le 15 mars à Laval.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Leonardo Rizzuto au palais de justice de Montréal, en février 2019

La police croit que l’attentat a été commandité par Francesco Del Balso, avec l’aval du Hells Angels de la section de Montréal Martin Robert.

Elle se demande si le clan des Siciliens et le groupe dirigé par l’influent motard pourront régler le litige ou si le conflit s’envenimera.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La Mercedes de Leonardo Rizzuto a été criblée de balles en pleine heure de pointe le 15 mars dernier. Après l’attentat, Rizzuto a réussi à arrêter son véhicule dans ce stationnement d’un salon funéraire.

Si la deuxième option l’emporte, cela pourrait marquer la fin de la longue association entre le clan des Siciliens et les Hells Angels et un bouleversement du portrait actuel du crime organisé montréalais.

« Pour l’instant, il y a une instabilité parce que les évènements tendent à démontrer que les responsables de l’attentat contre Leonardo Rizzuto n’ont pas fait ça tout seuls », dit l’inspecteur-chef Benoit Dubé.

Objectif : le contrôle

« La situation actuelle pourrait se comparer à 2016, alors que les frères Scoppa se sont lancés dans une lutte de pouvoir contre le clan des Siciliens, et parce qu’en 2023, ce sont également des acteurs importants qui sont impliqués. Mais en 2016, c’était une lutte interne au sein de la mafia alors qu’aujourd’hui, des Hells Angels pourraient être impliqués », ajoute M. Dubé.

« Il y a toujours eu des luttes de pouvoir, mais cela fait dix ans, depuis la mort de Vito Rizzuto, que nous n’avons pas vu une tension comme celle-là. Je pense qu’aujourd’hui, ils en sont à se demander qui va prendre le contrôle », poursuit le membre de haut rang de la Sûreté du Québec.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du SPVM

Quand on s’attaque à un nom comme Rizzuto, c’est l’ensemble du clan des Siciliens qu’on attaque, et on peut s’attendre à ce qu’il y ait une réaction à un moment donné.

Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du SPVM

« Leonardo Rizzuto victime d’une tentative de meurtre, c’est marquant et c’est tout un message qu’on envoie. C’est calculé. Les auteurs de cet attentat savaient très bien ce qu’ils faisaient. Est-ce que c’est une déclaration de guerre et un début de conflit ? Tout porte à croire que le crime organisé montréalais est en ébullition. »

« Est-ce qu’on est en train de retomber dans une instabilité plus importante ou tout cela se résorbera et chacun retournera tranquillement dans ses terres ? L’avenir nous le dira », conclut l’officier du SPVM.

Mais le meurtre de Mme Iacono, qui a créé une commotion dans le milieu criminel, pourrait influencer la suite des choses.

Des alliances pourraient changer, des individus ou groupes pourraient devoir se positionner et autant dans le milieu policier que criminel, on appréhende une escalade.

Lisez « Crime organisé : la nébuleuse montréalaise »

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.