Soixante-quatre enquêtes sur des inconduites sexuelles qui se sont produites dans l’armée, sur un total de 190, ont été prises en charge par la police civile depuis décembre 2021.

Dans les dernières années, une série de scandales d’inconduite sexuelle impliquant des officiers de haut rang a ébranlé la confiance de Canadiens dans la justice militaire.

Depuis novembre 2021, l’armée est donc censée appliquer la recommandation de l’ex-juge de la Cour suprême Louise Arbour. Cette recommandation vise à ce que les enquêtes pour inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes soient faites à l’externe, par la police civile.

Le but est de redonner confiance aux victimes dans le traitement de leurs allégations.

Sur les 190 plaintes reçues au total depuis décembre 2021, moins de la moitié ont été transférées à la police civile, soit 93, a indiqué le brigadier général Simon Trudeau, Grand Prévôt des Forces armées canadiennes, dans une déclaration écrite vendredi.

Plusieurs raisons expliquent qu’une plainte ne soit pas transmise à la police civile, explique-t-il. Par exemple, quand les allégations d’inconduite sexuelle sont survenues à l’étranger. Ou encore, quand la victime elle-même préfère un suivi de la police militaire. C’est le cas de 20 plaintes sur les 190, assure-t-il.

La police civile a refusé des plaintes

Mais même parmi les enquêtes transférées, toutes ne sont pas traitées par la police civile, qui se réserve le droit d’en refuser. Elle l’a fait à 29 reprises depuis un an et demi, selon le Grand Prévôt.

Les dénonciations refusées par la police civile reviennent dans le giron de la police militaire, a confirmé à La Presse Jamie Bresolin, officier aux affaires publiques pour les Forces armées canadiennes.

« Plusieurs raisons font en sorte qu’un dossier peut être décliné par la police civile, mais nous n’entrerons pas dans les détails à ce point-ci », a-t-il souligné.

« Il y a encore beaucoup de services de police qui refusent de prendre la responsabilité du transfert des plaintes militaires », explique Charlotte Duval-Lantoine de l’Institut canadien des affaires mondiales. Le tout pour des questions de ressources et de responsabilités entre le fédéral, le provincial et les municipalités, ajoute-t-elle.

Au total, c’est donc plutôt environ une plainte sur trois (64 plaintes sur 190) qui a été traitée en dehors de l’armée depuis un an et demi.

Des plans pour changer les choses

Jeudi, des responsables du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes ont publié une mise à jour sur leurs efforts pour mettre en œuvre les 48 recommandations formulées par Mme Arbour en mai dernier.

La ministre de la Défense, Anita Anand, a aussi présenté un plan en décembre pour mettre en œuvre les changements.

S’adressant aux journalistes jeudi, Mme Anand a déclaré qu’un comité fédéral-provincial-territorial a été créé pour faciliter les conversations entre les sous-ministres sur le transfert des cas d’infractions sexuelles criminelles.

Entre-temps, les Forces armées ont conclu des accords avec la Gendarmerie royale du Canada, la Sûreté du Québec et maintenant la Police provinciale de l’Ontario pour renvoyer les cas à la police pour enquête, ont déclaré des responsables.

Dans son rapport, la juge Arbour a averti qu’Ottawa et les provinces pourraient se retrouver engagés dans des « discussions interminables » à ce sujet si le gouvernement fédéral n’apportait pas officiellement le changement.

Le Nouveau Parti démocratique a demandé aux libéraux de présenter un projet de loi pour retirer définitivement de tels cas de la compétence de la police militaire.

Avec La Presse Canadienne

Dans une version antérieure de ce texte, nous indiquions que les plaintes pour inconduite sexuelle avaient augmenté dans les premiers mois de 2023. Une confusion dans les échanges de données avec les Forces armées canadiennes ont mené à cette erreur. Le nombre de 190 cas d’inconduite sexuelle depuis décembre 2021 est stable. C’est le nombre d’enquêtes transférées à la police civile qui a évolué depuis décembre dernier. Nos excuses.

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