Tuée dans une vague de féminicides en 2021, Rebekah Harry n’a eu aucune chance. Son conjoint l’a projetée sur un lit de bébé et l’a rouée de coups, alors qu’elle le suppliait d’arrêter. Brandon McIntyre s’en est tiré mercredi avec un chef réduit d’homicide involontaire. Un dénouement qui soulève des interrogations.

« Regarde ta face, regarde ta fucking face. Tu sais que c’est de ta faute, n’est-ce pas ? », a craché Brandon McIntyre en tabassant la jeune mère dans la nuit du 19 au 20 mars 2021, à Montréal. Une oppression d’une extrême violence perpétrée de surcroît sous les yeux d’une ex-copine de l’accusé, elle aussi frappée par ce dernier.

Le procès pour meurtre au second degré de l’homme de 34 ans devait s’amorcer au début du mois de mai, au palais de justice de Montréal. Brandon McIntyre a toutefois coupé court au processus judiciaire en reconnaissant sa culpabilité mercredi à un chef réduit d’homicide involontaire.

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La famille de Rebekah Harry, au palais de justice de Montréal, mercredi

« Coupable », a-t-il murmuré. Il évite ainsi certainement une peine de prison à vie. Notons que Brandon McIntyre traîne plusieurs antécédents judiciaires, notamment en matière de violence conjugale.

Le féminicide de Rebekah Harry avait choqué le Québec en 2021. Des centaines de personnes avaient participé à une marche à sa mémoire dans les jours qui avaient suivi. Mercredi, de nombreux membres de sa famille ont assisté à l’audience.

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Sarah-Lisa Harry, sœur de Rebekah Harry

« On ne peut pas mettre en mots à quel point ça déchire une famille », a soufflé sa sœur Sarah-Lisa Harry, au côté de son frère Teddy Frenette. Devant les médias, elle a rendu hommage à sa sœur, la benjamine d’une famille tissée serré de six enfants.

C’était une bonne mère, elle avait une joie de vivre extraordinaire. C’était une fille de fashion ! Elle riait toujours. Ce sont tous des éléments qui nous manquent immensément. C’était one in a million.

Sarah-Lisa Harry, sœur de Rebekah Harry

Une oppression extrêmement violente

Le soir fatidique, Rebekah Harry et Brandon McIntyre passent la soirée chez une ex-copine de l’accusé. Vers 1 h, la tension monte lorsque la victime insiste pour dormir sur le même sofa que l’accusé. Brandon McIntyre se fâche lorsque la victime lui lance un sac de marijuana.

Dans la nuit, Brandon McIntyre pète les plombs. Il insulte la victime, la frappe au visage, puis la prend par les bras et la projette sur un lit de bébé. Mais ce n’est pas terminé. Il assène alors des coups de pied (stomp) à Rebekah Harry, alors qu’elle tente de se protéger le visage. Elle le supplie d’arrêter, mais il continue de la frapper.

L’ex-copine tente d’arrêter l’agresseur, mais il la repousse. Brandon McIntyre soulève alors Rebekah Harry par les épaules et la projette au sol à deux reprises. Elle se cogne violemment la tête au sol. L’ex-copine supplie l’assaillant d’arrêter. Il quitte alors la pièce en disant : « C’est assez. »

Vers 4 h, l’ex-copine appelle un taxi. Mais Rebekah Harry refuse d’y monter et s’endort sur le sofa. « Je suis désolé. Qu’est-ce que ma vie est devenue ? C’est quoi mon problème ? », pleure alors Brandon McIntyre, assis à côté de la victime.

Plus tard, l’ex-copine réalise que du sang sort de la bouche de la victime. Mais quand elle appelle le 911, Brandon McIntyre lui demande de mentir en disant qu’une autre personne a frappé la victime. Rebekah Harry n’a plus de pouls à l’arrivée des policiers, vers 7 h.

Selon le pathologiste, la mort de Rebekah Harry a été causée par au moins un coup, mais « plus probablement » plusieurs coups à la tête. Pourquoi donc ne s’agit-il pas d’un meurtre, puisque l’accusé reconnaît avoir agressé la victime ?

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MJasmine Guillaume, procureure de la Couronne

« C’est une question d’intention qu’on a démontrée pour le meurtre au second degré versus l’homicide. La preuve démontrait que Monsieur avait certainement l’intention de causer des lésions à Madame, mais pas l’intention de causer la mort », a expliqué la procureure de la Couronne, MJasmine Guillaume, en mêlée de presse.

Le DPCP montré du doigt

Ce règlement sur un chef réduit suscite des questionnements chez certaines intervenantes qui travaillent auprès des femmes violentées.

« On est face à un récidiviste en matière de violence conjugale. C’est assez troublant de voir qu’il y a un deal entre la Couronne et la défense au moment où on crée à grands frais un tribunal spécialisé. Qu’est-ce qui est important ? Est-ce qu’on souhaite faire des économies au niveau du DPCP [Directeur des poursuites criminelles et pénales] ou on souhaite rendre justice aux victimes de violence conjugale ? », s’interroge Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Ça soulève la question : quel est le prix de la vie d’une femme ? On a subi dans la dernière année des vagues de féminicides. C’est important que la société envoie un message clair qu’elle ne tolère pas la violence envers les femmes et les féminicides. Je pense que ça va laisser beaucoup de gens perplexes, voire indignés.

Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

« C’est normal que ça puisse susciter l’incompréhension et la colère pour certains proches, vu la violence inouïe de l’évènement. C’est pourquoi il est primordial que les proches reçoivent des explications très claires du procureur pour comprendre et qu’ils puissent partager leurs points de vue », soutient Marie-Christine Villeneuve, porte-parole du réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).

Les parties présenteront une suggestion commune de peine lors de la prochaine audience, le 11 mai. MKaven Morasse défend l’accusé.

Besoin d’aide ?

Si vous êtes victime de violence conjugale et cherchez aide et répit, contactez SOS violence conjugale au 1 800 363-9010. Des intervenants y sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Consultez le site de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

Les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels viennent en aide aux proches de victimes d’actes criminels à la suite d’évènements traumatiques : 1 866 CAVAC (1 866 532-2822).

Consultez le site des CAVAC