Émile Benamor, propriétaire de l’immeuble incendié du Vieux-Montréal, était considéré comme le suspect d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur un réseau de fraude visant des grands-parents, vient de révéler la police fédérale.

M. Benamor n’a jamais été accusé au criminel. L’avocat a toutefois plaidé coupable à une accusation d’évasion fiscale dans le même dossier : il avait omis de déclarer des transferts de près de 500 000 $ vers son compte personnel provenant d’un « stratagème frauduleux ».

Ces procédures ont été lancées après que la GRC a transmis son dossier d’enquête au fisc fédéral, a confirmé la caporale Tasha Adams à La Presse. « Le suspect qu’on enquêtait aurait plaidé à des accusations d’évasion fiscale de l’Agence du revenu du Canada, a-t-elle dit. C’est ce que j’ai dans la conclusion du dossier de la GRC. » Elle a ensuite confirmé que le suspect en question était bien MBenamor.

Joint au téléphone, l’avocat d’Émile Benamor a plaidé que son client n’avait « aucun lien avec l’origine des fonds ». « Ça a été constaté en cour et par écrit par le Service des poursuites pénales du Canada, donc j’ai de la misère à m’expliquer pourquoi la GRC fait une telle déclaration à ce moment-ci », a dit MAlexandre Bergevin.

« Projet CHALK »

L’enquête de la GRC remonte à 2012 et s’intitulait « Projet CHALK ». « C’était une arnaque de type grandson scam, a indiqué la caporale Adams en entrevue téléphonique. À l’époque, on avait une équipe COLT [Centre opérationnel de lutte contre le télémarketing]. »

La policière n’a pas pu indiquer si la GRC avait recommandé à la Couronne fédérale de déposer des accusations criminelles.

Dans un communiqué de 2021, l’Agence du revenu du Canada (ARC) rapportait que M. Benamor avait reçu une amende de 136 000 $ pour avoir omis de déclarer la réception dans son compte personnel de 469 591 $ provenant de 21 traites bancaires « dont les fonds sont suspects ».

« La preuve de l’ARC ne démontre pas que lors de l’encaissement des traites, M. Benamor avait connaissance que l’origine des fonds provenait d’un tel stratagème », précise le communiqué. Dans le résumé commun des faits déposé devant la justice, l’accusation et la défense indiquent qu’« aucun des émetteurs des traites n’est un client de la pratique d’avocat de MBenamor, ni l’un de ses locataires ou encore un créancier d’un de ses immeubles locatifs ».

Un parc immobilier de 27 millions

MBenamor est au centre de l’actualité depuis le 16 mars dernier, date à laquelle l’un de ses bâtiments du Vieux-Montréal a brûlé. Sept personnes ont trouvé la mort dans le brasier d’une rare violence. Plusieurs logements y étaient loués illégalement sur la plateforme Airbnb.

L’avocat de 60 ans est à la tête d’un parc immobilier estimé à 27 millions par la Ville de Montréal.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

L'incendie d'un bâtiment dans le Vieux-Montréal a fait sept morts à la mi-mars.

Des familles de victimes ont soulevé la possibilité que l’immeuble sinistré ait pu contenir des chambres sans fenêtre, ce qui aurait rendu leur évacuation difficile une fois le feu déclaré.


Vendredi, le père d’un jeune homme mort dans l’incendie a déposé une demande d’action collective de 22 millions contre Émile Benamor et Tarik Hassan, le locataire de certains appartements du bâtiment.

MBenamor « a échoué et a négligé son obligation de s’assurer que tous les logements à louer dans l’immeuble se conformaient aux règles et aux régulations détenant des standards minimums de santé et de sécurité », allègue la poursuite de Randy Sears, père de Nathan Sears. MBenamor et M. Hassan « ont démontré qu’ils étaient plus soucieux de générer des profits pour eux-mêmes plutôt que de veiller à la sécurité et à la santé » des personnes qui y résidaient, poursuit le document.