L’ex-premier ministre du Québec, Jean Charest, remporte le procès qu’il a intenté contre le gouvernement du Québec qui devra donc lui verser 385 000 $ pour la divulgation de ses renseignements personnels dans le cadre d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Dans sa décision mardi, le juge Gregory Moore de la Cour supérieure condamne Québec à verser 35 000 $ en dommages-intérêts compensatoires et 350 000 $ en dommages-intérêts punitifs à l’ex-premier ministre.

Ce dernier est également autorisé à poursuivre ses démarches contre le gouvernement, et ce, afin de prouver qu’il a été victime d’un abus de procédure puisque le Procureur général du Québec aurait inutilement compliqué la tenue de son procès, ce qui reste à trancher.

« Mes avocats et moi sommes actuellement en train de prendre connaissance du jugement sur la poursuite que j’ai intentée contre le gouvernement du Québec pour violation de ma vie privée », a déclaré Jean Charest sur Twitter en ajoutant qu’il fera « une déclaration à cet égard demain ».

Choc, humiliation, frustration

Rappelons que Jean Charest avait déposé une poursuite contre Québec en octobre 2020 pour violation de sa vie privée. Il disait avoir subi d’importants préjudices en raison de la fuite des documents d’enquête confidentiels du projet Mâchurer de l’UPAC sur le financement du Parti libéral du Québec, obtenus par le groupe Québecor et publiés à partir d’avril 2017.

On y retrouvait notamment des informations sur les voyages de l’ancien premier ministre et un organigramme où apparaissait sa photo. Les informations provenaient du projet Mâchurer qui a officiellement été fermé en février dernier sans avoir mené à aucune accusation à ce jour.

À son procès, l’ex-chef libéral avait exprimé le « choc » vécu par ses révélations, l’humiliation « par inférence » qu’il est un criminel et la frustration qui s’en est suivis, ce pour quoi il réclamait des dommages-intérêts compensatoires. « Il se sent coupable d’avoir entraîné sa famille dans l’embarras et dans l’humiliation », peut-on lire dans la décision.

Une divulgation pas banale

Sans contester le préjudice subi par Jean Charest à la suite de la divulgation de ses renseignements personnels, le procureur général du Québec se défendait en affirmant que ceux-ci étaient « banals » et que « les personnages publics renoncent d’une certaine manière à la protection de leurs vies privées ».

Or, le juge Moore a tranché qu’il n’en était rien. « La divulgation des renseignements personnels contenus dans un dossier d’enquête de l’UPAC ne peut pas être banale si elle est interdite par une série de lois […] », écrit le magistrat, dans son jugement.

Qui plus est, Jean Charest avait déjà quitté la vie public depuis deux ans lors du déclenchement de l’enquête Mâchurer en 2014 et rien ne prouve qu’il a consenti à être victime d’une « divulgation illégale » de ses renseignements personnels, souligne le juge.

Une divulgation intentionnelle

Quant aux dommages-intérêts punitifs de 350 000 $ qui lui ont été octroyés, Jean Charest a fait la preuve devant le tribunal qu’il avait été lésé puisque l’UPAC n’a pas respecté ses obligations en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Cette dernière prévoit que l’atteinte aux droits doit être intentionnelle, ce qui est le cas dans ce dossier, selon le juge, puisque « la personne qui a divulgué les renseignements personnels de M. Charest a agi délibérément afin qu’ils soient communiqués au public. Pour quelle autre raison est-ce qu’elle les aurait divulgués à un journaliste ? », explique-t-il.

Compte tenu du caractère « intentionnel » et « lourd » de ces renseignements à « la nature politique indéniable », une somme importante a été accordée à l’ex-premier ministre « afin de dénoncer le comportement du ou des membres de l’UPAC qui ont divulgué ses renseignements personnels ».

À noter, une injonction demandée par Jean Charest afin d’obliger le Procureur général du Québec à sécuriser ses renseignements personnels détenus par l’UPAC a toutefois été rejetée. C’est que la Loi concernant la lutte contre la corruption interdit de prononcer de telles injonctions à l’endroit de l’UPAC.

L’affaire en cinq dates :