Une procureure de la Couronne accusée de conduite avec les facultés affaiblies et de délit de fuite a échoué mercredi à obtenir l’arrêt des procédures. Après un accident, la procureure s’était barricadée pendant cinq heures, alors que sa résidence était cernée par les policiers.

Procureure au Bureau de la grande criminalité au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), MAlice Bourbonnais-Rougeau a notamment œuvré dans le dossier de corruption de l’ex-maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille. En ordonnant l’arrêt du processus judiciaire en octobre 2021, la juge avait écorché la procureure pour ses « déclarations trompeuses » devant le tribunal.

Quelques mois plus tôt, l’avocate de 30 ans avait été accusée sans tambour ni trompette à la Cour municipale de Montréal de trois chefs : conduite avec les facultés affaiblies, délit de fuite et avoir un taux d’alcool trop élevé.

Depuis, elle tente de faire tomber les accusations par de nombreuses requêtes. Mercredi, le juge Gabriel Boutros a rejeté la plupart des prétentions de la défense, mais a retenu deux violations des droits de l’accusée.

Le soir du 24 avril 2021, un voisin observe le VUS d’Alice Bourbonnais-Rougeau foncer dans son véhicule alors qu’elle tente de se stationner avec beaucoup de difficulté. Le voisin remarque que l’accusée a les yeux vitreux et que sa parole est lente. Elle lui offre sa carte professionnelle, mais il refuse et appelle le 911.

Alice Bourbonnais-Rougeau se « réfugie » ensuite chez elle, où elle se terre pendant cinq heures en attendant que les policiers obtiennent un mandat pour l’arrêter. Contrairement à ses prétentions, l’accusée n’a pas été détenue illégalement chez elle, conclut le juge. « Elle est l’architecte de son propre malheur », dit-il.

« Il y a peu de différence entre la situation de la requérante et celle d’un suspect qui se met à courir lorsque des policiers essaient de l’arrêter. […] Elle tente d’utiliser sa résidence comme un sanctuaire pour s’évader d’une poursuite légitime », tranche le juge Boutros.

Statut privilégié et fouille abusive

En discutant avec l’accusée par la fenêtre, les policiers sentent une odeur d’alcool émanant d’elle. Selon un policier, l’accusée dit être procureure de la Couronne et « connaître des enquêteurs qu’elle va appeler ». On l’observe ensuite marcher dans son appartement en tenant ce qui semble être une bouteille de vin.

« C’est un statut privilégié qu’elle essaie d’utiliser afin de se placer hors de la portée des agents », affirme le juge Boutros.

Cependant, le juge conclut que les agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont commis une fouille abusive en regardant à l’intérieur de son appartement avec leur lampe de poche. Ces actions « délibérées et inacceptables » ne sont toutefois pas assez graves pour mener à l’arrêt du processus judiciaire.

Les policiers ont également violé le droit à l’avocat d’Alice Bourbonnais-Rougeau en mettant fin à son appel avec son avocat après 27 minutes. Un sergent reprochait à l’accusée d’agir de manière « clairement dilatoire » en étirant son appel.

« Mis à part leur impatience, les policiers n’avaient aucune justification pour mettre fin à l’appel », conclut le juge.

Ainsi, l’échantillon d’haleine de l’accusée a été exclu de la preuve, ce qui risque de faire tomber le chef d’accusation d’avoir plus que la limite d’alcool permise dans son sang.

Le procès se poursuit en avril prochain.