« Je ne l’ai pas fait » : c’est ce qu’a martelé Thierry Karsenti, une sommité en enseignement, qui est accusé de contacts sexuels sur un mineur, mercredi au palais de justice de Longueuil.

Le mineur en question, dont l’identité est protégée par la cour, allègue que Thierry Karsenti lui a caressé les parties génitales à une dizaine de reprises, dans une résidence de Brossard en 2015. À un autre moment, l’accusé aurait forcé la porte d’une salle de bain afin d’observer le garçon de 11 ans qui prenait sa douche. Les attouchements se seraient déroulés sur une période d’un peu plus d’un an.

« Vous avez entendu [le plaignant] mentionner que vous seriez allé dans sa chambre à environ 10 reprises pour faire des attouchements sexuels », a demandé l’avocate Clara Daviault à son client.

« Je ne l’ai pas fait », a répondu l’ex-professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal. Le chercheur de renommée internationale a aussi été titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication. Il a dirigé le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante.

« Est-ce que vous pouvez commenter l’évènement où [le plaignant] mentionne que vous avez débarré la porte de la salle de bain et que vous avez passé deux à trois minutes pour l’observer alors qu’il était dans la douche ? », a renchéri MDaviault.

« Je ne l’ai pas fait », a de nouveau répondu l’homme de 54 ans.

En 2019, une ancienne conjointe de Thierry Karsenti a contacté la mère de l’adolescent. « Elle m’a exprimé des choses qui m’ont inquiétée », a raconté la mère du plaignant, mardi, lors de son témoignage.

C’est à ce moment qu’elle a questionné son fils et que ce dernier s’est confié sur les gestes qu’il aurait subis alors qu’il était mineur.

En après-midi mercredi, MDaviault s’est attaquée à la crédibilité de la victime lors de sa plaidoirie. Elle a remis en doute la mémoire du garçon qui, lorsqu’il a porté plainte à la police, avait de la difficulté à se souvenir d’un voyage qu’il avait effectué deux mois plus tôt avec l’accusé.

« Évasif » et « fuyant »

« Ça m’inquiète beaucoup, a déclaré l’avocate de Thierry Karsenti. Ça inquiète beaucoup la défense que [le plaignant] ne se souvienne pas quand a eu lieu le voyage en Abitibi alors que c’était si proche de son interrogatoire vidéo. Ça soulève des questions par rapport à la qualité de sa mémoire sur […] des évènements qui se seraient passés à Brossard deux à trois ans plus tôt. »

MDaviault a également demandé à la juge Ann-Mary Beauchemin d’étudier une possibilité de collusion, intentionnelle ou non intentionnelle, entre la victime et sa mère. « Ce ne sont pas des témoins qui sont en bons termes avec M. Karsenti. Ce sont des témoins qui pourraient avoir le motif de fabriquer des accusations. Évidemment, je ne serai jamais capable de le prouver […], mais je crois qu’il y a une possibilité », a-t-elle ajouté.

La procureure de la Couronne, MAnne Gauvin, a toutefois qualifié cette théorie d’« invraisemblable ». La victime et sa mère s’étaient éloignées de Thierry Karsenti, mais leurs échanges restaient cordiaux malgré tout. La plainte à la police est venue deux ans plus tard alors que la relation était « sans animosité », a fait valoir la procureure.

MGauvin a aussi remis en doute la sincérité de l’accusé. Elle a pris l’exemple d’une question qu’elle lui a posée lors de son contre-interrogatoire au sujet d’une chaise qui se trouvait dans la chambre de la victime. L’accusé a mis de longues minutes avant d’y répondre clairement. La juge a d’ailleurs dû intervenir en lui disant : « Monsieur, ce n’est pas sorcier, ce que [la procureure] vous demande. »

MGauvin a évoqué un manque de transparence de la part de l’accusé. « Il était évasif sur plusieurs sujets, à plusieurs questions, il était fuyant », a-t-elle déclaré. « C’était caricatural, la façon dont il répondait aux questions », a-t-elle ajouté, affirmant que Thierry Karsenti donnait des réponses pour « redorer son image ».

Thierry Karsenti a été arrêté en février 2021. Il ne travaille plus à l’Université de Montréal. La juge Ann-Mary Beauchemin doit rendre sa décision à la mi-juillet. La date sera fixée le 10 mai.