« Il célébrait quand j’ai perdu ma virginité. Il était content pour moi », confie Victoria*. Elle avait alors 12 ans. Son bourreau voulait lui montrer comment être une « bonne femme ». L’adolescente a livré un témoignage coup-de-poing au procès de Miguel Antonio Abarzua Poblete.

Le Montréalais de 42 ans est accusé d’agression sexuelle, de contacts sexuels et d’incitation à des contacts sexuels sur une mineure de moins de 16 ans. Son procès devant jury s’est amorcé mercredi au palais de justice de Montréal.

D’une voix douce, mais avec aplomb, l’adolescente de 16 ans a raconté avec moult détails au jury les abus extrêmement dégradants subis pendant deux ans aux mains de cet homme de confiance de son entourage. Pour protéger l’identité de la plaignante, on doit taire son lien exact avec l’accusé.

« Ce que j’ai vécu, c’est dégueu. C’est dégueulasse. C’est injuste. On m’a volé mon enfance », souffle l’adolescente, en larmes. Elle témoignait dans une autre salle du palais de justice pour ne pas croiser l’accusé.

À seulement 11 ans, Victoria devait faire régulièrement des fellations avec cet homme, alors dans la mi-trentaine. Ensuite, elle a été contrainte d’avoir des relations sexuelles avec pénétration avec lui. L’horreur ne s’arrêtait pas là : son agresseur insistait toujours pour « terminer » dans la bouche de l’enfant.

Tout commence par des attouchements en jouant à la « bataille » quand elle a 11 ans. Plus tard, Miguel Antonio Abarzua Poblete demande à la plaignante si elle « sait c’est quoi un pénis ». « Je vais te monter, c’est pour ton bien. C’est pour que tu sois une bonne femme plus tard », poursuit l’accusé, selon le récit de Victoria.

Prétextant d’enseigner des exercices de danse à l’enfant, l’accusé en profite pour lui faire un cunnilingus, confie-t-elle. Désormais, chaque fois que l’occasion se présente, « Miguel » en profite pour agresser la préadolescente. « J’avais énormément confiance en lui », lâche-t-elle.

« C’est rien, tu vas t’habituer »

Victoria a longuement raconté au jury sa première relation sexuelle avec pénétration, une agression particulièrement scabreuse qui s’est déroulée au garage de Miguel Antonio Abarzua Poblete. Des photos des lieux ont d’ailleurs été présentées au jury.

« Il m’a dit : “Lève-toi”. Il m’a poussé vers la table, m’a enlevé le pantalon et les sous-vêtements. Il l’a fait par en arrière. Ça faisait mal. Je voulais qu’il arrête. Il disait que j’étais faible. Il disait : “C’est rien, tu vas t’habituer”. [Après], il m’a dit de me mettre à genoux. Il a éjaculé dans ma bouche. Ça m’a fait sentir sale », a décrit Victoria.

À une autre occasion, « Miguel » l’a de nouveau agressée dans le garage. « Il disait qu’il voulait que j’aie des orgasmes. J’avais 11 ans », a lâché Victoria. Le procureur de la Couronne, MHussein Hassan, lui a ensuite demandé si elle avait eu un orgasme. « Non, je n’ai pas eu d’orgasme », a-t-elle rétorqué, mal à l’aise.

À 12 ans, Victoria a « perdu sa virginité ». Un « moment choquant » dans sa vie. « Miguel » tentait de la convaincre que c’était pour son « bien » et que c’était « mieux » de le faire avec lui. Alors que Victoria se plaint d’avoir mal, l’agresseur lui lance des insultes.

« T’es pas courageuse. T’es mieux que ça. T’es pas forte, t’es faible », crache l’accusé, raconte la plaignante.

Mais quand l’agression se termine, l’accusé est ravi et « célèbre » la perte de la virginité de l’enfant. Il la somme alors de garder leur « secret » jusqu’à « sa tombe ». « J’avais peur », témoigne-t-elle. Pendant les mois suivants, Victoria est agressée régulièrement par l’accusé, qui lui demande d’apprendre plusieurs « poses » sexuelles.

C’est à 13 ans que Victoria réalise que ces agressions ne sont pas « normales » et s’éloigne de l’accusé. À 15 ans, elle révèle ce qu’elle a vécu à ses proches, qui l’encouragent à porter plainte à la police.

En contre-interrogatoire jeudi, Victoria a déclaré avoir eu une seule relation sexuelle anale avec l’accusé. L’avocat de la défense, MMarc Labelle, a alors insisté sur le fait que la plaignante avait dit aux policiers en avoir subi plusieurs.

« Il y a eu tellement d’abus que les premières fois, c’est celles que je me rappelle le plus. Je me souviens le plus des évènements les plus traumatisants », a répliqué l’adolescente.

MLabelle a également posé une série de questions à la plaignante sur ses échanges téléphoniques avec l’accusé avant de dénoncer aux policiers. « Avez-vous demandé de l’argent ? », « Avez-vous parlé d’argent ? », « Avez-vous parlé d’une chirurgie esthétique pour vous ? »

« Non », a répondu chaque fois Victoria.

Le procès se poursuit vendredi.

MHussein Hassan et MNadine Haviernick représentent le Directeur des poursuites criminelles et pénales, alors que MMarc Labelle et MClaudia Doyle défendent l’accusé

*Nom fictif