« [Jérémy] ne méritait pas ça du tout. Personne ne mérite de vivre ce que j’ai fait. Je regrette beaucoup », lâche Stéphanie Meunier. Quatorze ans après avoir battu, martyrisé, puis tué le fils de 4 ans de son conjoint, la marâtre meurtrière bénéficie de sorties quasi quotidiennes du pénitencier.

La mort du petit Jérémy Bastien-Perron en décembre 2008 avait choqué le Québec entier. Le procès de Stéphanie Meunier avait révélé que le bambin avait subi des traitements dignes d’Aurore l’enfant martyre aux mains de sa belle-mère. Il était question de flagellation, de morsures et d’ongles manquants. Le corps du garçon était si meurtri que les experts n’avaient jamais rien vu de tel sur un enfant.

Stéphanie Meunier a été reconnue coupable par un jury en 2011 de meurtre au premier degré – en raison du contexte de harcèlement – et a donc été condamnée à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK « EN MÉMOIRE DE JÉRÉMY »

Jérémy Bastien-Perron, 4 ans

La meurtrière de 43 ans s’adressait à la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) pour la première fois depuis 2018 pour renouveler ses permissions de sortir. Depuis bientôt cinq ans, la Commission permet à Stéphanie Meunier de sortir du pénitencier, sous supervision, pour diverses raisons. Précisons qu’il ne s’agit pas de sa libération conditionnelle.

Les mains croisées sur la table, une longue tresse tombant sur son épaule, Stéphanie Meunier a répondu d’une voix posée aux questions des commissaires jeudi. Sans ambages, elle a répété vivre « beaucoup de honte » par rapport à ses gestes. Au procès, elle avait clamé son innocence.

« Comment expliquez-vous cette violence gratuite et répétitive à l’égard d’un enfant, au point qu’il en est mort ? Comment on en vient à accumuler de la colère à ce point et à ne pas arrêter ? », s’est questionnée la commissaire Jessie Landry-Marquis.

« Ça faisait beaucoup d’années que j’avais de l’accumulation. C’est Jérémy qui en a subi les conséquences. Je ne suis pas capable de vous dire ce qui m’a amenée à ce moment-là. Je n’étais pas responsable de prendre soin de moi, encore moins de mes enfants et de Jérémy. Je sais que la bonne chose aurait été d’envoyer mes enfants à la DPJ », a répondu Stéphanie Meunier.

« Même pas un moment, vous vous êtes dit : ça n’a pas de bon sens, ça doit arrêter ? », a alors renchéri la commissaire.

« Honnêtement, je ne me souviens pas de m’être dit ça. J’ai eu un moment que je ne voulais pas garder Jérémy avec moi. Je n’ai pas mis ma limite, j’ai gardé Jérémy et j’ai continué à le brutaliser. J’ai été violente avec. Je ne sais pas pourquoi. Je n’ai pas eu de drapeau rouge. Aujourd’hui, je sais, j’aurais dû voir ça. Mais je n’avais pas ces outils, je n’étais pas capable de prendre soin de moi », a confié Stéphanie Meunier.

Elle assure savoir quoi faire aujourd’hui pour ne « jamais refaire quelque chose comme ça » : éviter les mauvaises fréquentations, ne pas accumuler les émotions et ne pas retomber dans la consommation, explique-t-elle.

Les nombreuses demandes de sorties de Stéphanie Meunier ont toutefois fait sourciller les commissaires pendant l’audience.

« Ce qui est demandé, c’est beaucoup de sorties, beaucoup de programmes. Madame n’est pas admissible à la semi-liberté avant sept ans. C’est un horaire chargé », s’est interrogée une commissaire. « On est rendu là, sortir cinq jours [par semaine] ? », a renchéri l’autre commissaire. Elles ont finalement accordé toutes les sorties à Stéphanie Meunier, qui présente un faible risque de récidive.

Dans les faits, Stéphanie Meunier se retrouve en société quatre ou cinq jours par semaine dans le cadre de ses permissions pour « perfectionnement personnel », pour « services à la collectivité » ou pour voir ses quatre enfants. Ses nombreuses sorties dans les dernières années se sont bien déroulées, selon son équipe de cas, et favorisent sa réinsertion sociale.

Dans les prochains mois, la meurtrière prévoit de se prévaloir de la clause de la « dernière chance » dans l’espoir de convaincre un jury de devancer sa date d’admissibilité à la libération conditionnelle, prévue en 2033.

Néanmoins, Stéphanie Meunier estime « mériter » sa peine actuelle. « Je l’assume totalement », affirme-t-elle. « Si un jour, on décide de me laisser sortir à l’avance, je vais être heureuse. Mais sinon, je vais me dire : je vais continuer à apprendre. Plein de gens autour de moi vont m’aider », conclut-elle.

Notons que le père de l’enfant, Francis Bastien, a été condamné en 2015 à 50 mois de détention pour négligence criminelle.