Arrêté en 1992 lors d’une saisie de 4000 kilos de cocaïne, Christian Deschênes jure d’abandonner le crime et obtient sa libération conditionnelle totale.

Un des acteurs importants de l’importation ratée de 4000 kilogrammes de cocaïne par le pilote Raymond Boulanger à Casey en 1992 obtient finalement sa libération conditionnelle totale, après avoir purgé plus des deux tiers d’une peine totale de 45 ans.

Christian Deschênes, 66 ans, était responsable des hommes de main de la mafia qui devaient attendre Boulanger et son Convair 580 rempli de cocaïne au bout de la piste de Casey, au nord de La Tuque, en Haute-Mauricie, le matin du 18 novembre 1992.

Or, parce que Boulanger, repéré par les radars américains dès son décollage du nord de la Colombie, a dû prolonger son vol pour échapper aux autorités, les hommes qui devaient l’attendre, dont Christian Deschênes, ont cru le projet avorté et ont quitté la piste avec leurs véhicules et un camion-citerne rempli d’essence, avant l’arrivée du pilote.

Saisie historique à Casey
  • Un drapeau du Canada avait été peint maladroitement sur le fuselage du Convair 580 par les trafiquants.

    PHOTO FOURNIE

    Un drapeau du Canada avait été peint maladroitement sur le fuselage du Convair 580 par les trafiquants.

  • Des ballots de cocaïne étaient entassés tout près de la porte de l’appareil.

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    Des ballots de cocaïne étaient entassés tout près de la porte de l’appareil.

  • C’est à cet endroit, au bout de la piste de Casey, que les hommes de main de la mafia attendaient Raymond Boulanger. Les traces de leurs véhicules étaient encore visibles, dans la neige, lorsque les policiers sont arrivés.

    PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

    C’est à cet endroit, au bout de la piste de Casey, que les hommes de main de la mafia attendaient Raymond Boulanger. Les traces de leurs véhicules étaient encore visibles, dans la neige, lorsque les policiers sont arrivés.

  • Raymond Boulanger lors de son arrestation à La Tuque, en novembre 1992

    PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

    Raymond Boulanger lors de son arrestation à La Tuque, en novembre 1992

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Celui-ci s’est donc retrouvé seul, à la merci des policiers de la Gendarmerie royale du Canada dépêchés sur les lieux, qui ont eu tôt fait de l’appréhender.

Avisés de l’atterrissage de l’avion par leurs patrons, les hommes de main de la mafia ont tenté de retourner sur la piste, mais ils ont été arrêtés par les agents qui avaient bouclé le secteur.

Deschênes, un proche de Paolo Gervasi, chef de clan de la mafia montréalaise assassiné en janvier 2004, a été condamné à une première peine fédérale pour l’importation de 14 tonnes de haschich à la fin des années 1980, puis à une deuxième après son arrestation pour l’importation ratée de Casey.

Au début des années 2000, lors de sa libération conditionnelle, il a comploté pour faire enlever un membre du clan Rizzuto et a de nouveau été condamné, ce qui explique la peine totale de 45 années qui devait prendre fin en 2034.

PHOTO FOURNIE

Christian Deschênes durant les années 1990

Deltaplane à la toile percée

Deschênes était en maison de transition depuis 2021, mais sa libération conditionnelle avait été suspendue puis rétablie après un manque de transparence de sa part.

Sa libération d’office, aux deux tiers de sa peine, devait avoir lieu dans trois semaines, mais il a tenu à s’adresser aux commissaires vendredi dernier pour « mériter » sa libération conditionnelle totale.

« Est-ce qu’une libération conditionnelle totale ne pourrait pas vous mettre à risque de retourner dans le milieu criminel ? », lui a demandé un commissaire.

« Pour moi, ce n’est pas une solution. Je me suis posé la question et j’ai fait des hypothèses ; je ne retournerai jamais là. C’est un choix de vie. J’aime mieux mourir », a-t-il répondu.

« Je suis absent de la scène depuis plus de 20 ans. La scène criminelle, je regarde ça de façon rapide, avec les nouvelles, les journaux, et je n’y vois aucun intérêt. Il n’y a aucun profit pour ma vie, y compris monétaire. Le milieu a tellement changé que ça devient un danger pour moi. J’aimerais mieux faire du deltaplane avec une toile percée plutôt que d’y retourner », a-t-il ajouté.

Deschênes, qui travaille dans le milieu de la construction, a raconté avoir été contacté par un individu lié au milieu criminel et avoir été très clair avec ce dernier : c’est non.

De retour chez lui à temps plein, Christian Deschênes veut s’occuper de ses proches et conserver un travail, même « pas très difficile ».

« Juste pour garder mon logement et mon vieux bazou. Je vais avoir 67 ans. Il me reste combien d’années en santé ? Cinq ans ? Dix ans ? Je ne le sais pas. Je veux profiter de ce qu’il me reste dans ma vie », a expliqué Christian Deschênes.

Les commissaires ont pris le dossier en délibéré, mais la réponse positive est venue dès lundi.

« Vous semblez avoir raccroché votre tablier criminel. Vous semblez saturé de la vie criminelle et surtout de l’incarcération qui a, sans conteste, produit chez vous des impacts importants. Vous êtes vieillissant et même si vous admettez connaître encore aujourd’hui les principaux acteurs du monde criminel, il est apparu que vous avez décidé de profiter des années qu’il vous reste à vivre dans la communauté et non derrière les barreaux », écrivent notamment les commissaires dans leur décision.

Boulanger lui souhaite bonne chance

Deschênes devra toutefois respecter des conditions : ne pas fréquenter toute personne ayant un casier judiciaire, ou étant impliquée dans des activités criminelles ou une organisation criminelle, divulguer toutes ses transactions financières, ne pas posséder plus d’un téléphone cellulaire et une carte SIM, et remettre le registre de toutes ses communications.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Raymond Boulanger en 2015

Raymond Boulanger en a longtemps voulu à Christian Deschênes, qu’il a tenu responsable de son arrestation à Casey en novembre 1992.

Joint par La Presse, le pilote a bien réagi à la libération de Deschênes, « qui a payé son temps », et lui a souhaité bonne chance.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.