Une aspirante chanteuse allègue avoir été agressée sexuellement par l’impresario déchu Guy Cloutier à la fin des années 70 et lui réclame 15 000 $ dans un recours civil. Michelle Charron a raconté mardi devant un juge les évènements qui ont marqué sa vie au fer rouge.

L’ex-producteur Guy Cloutier – condamné à la prison en 2005 pour agressions sexuelles envers des enfants – brillait par son absence mardi au palais de justice de Montréal. Le procès s’est donc déroulé sans sa présence. Le greffe a en effet « omis ou décidé » de ne pas lui soumettre la demande de Mme Charron qui exigeait sa présence.

La Presse n’a pas pu avoir accès à la déclaration sous serment de Guy Cloutier. Le juge Yves Hamel a en effet refusé de donner accès au dossier de cour aux représentants des médias.

Michelle Charron affirme avoir été prise sous l’aile du célèbre producteur en 1979 après l’avoir rencontré dans un restaurant. Elle rêvait alors de faire carrière en chanson. « C’est la chance de ma vie ! », a-t-elle témoigné, au sujet de leur première rencontre. Un soir, en 1979, Guy Cloutier l’avait invité à un hommage à René Simard. Il lui avait alors réservé une chambre d’hôtel, dit-elle.

Ce soir-là, raconte la femme de 65 ans, elle est allée se coucher un « peu gorlot ». À 6 h du matin, elle est réveillée par un « bang ». Guy Cloutier est alors débarqué avec fracas dans sa chambre, soutient-elle. « Tu fais donc ben dur, là ! », lui aurait alors lancé le producteur.

« J’avais 19 ans, j’étais toute cute. J’avais l’air d’un enfant », ajoute Michelle Charron.

« Il s’assoit sur mon lit, il essaie de me toucher, je lui dis : “Arrête Guy, arrête Guy”. Il se déshabille, il me dit : “Laisse-moi faire”, il m’ouvre un bras. Je suis déstabilisée, je suis prise par surprise… Puis, son gros ventre, sur moi, je le trouve laid. Il rentre dans moi, deux minutes, deux secondes… Il m’a garroché 100 $. Il me dit : “Moi, ça m’excite payer pour du sexe” », raconte d’un trait Michelle Charron, en sanglotant.

Transie par la honte, Michelle Charron se rend néanmoins à un rendez-vous au bureau de Guy Cloutier plus tard dans la journée pour tourner une publicité. Elle soutient que Guy Cloutier se vantait de ses exploits auprès des autres personnes présentes. « Je l’ai eue, une autre », se targuait alors l’impresario, allègue Mme Charron.

Plus tard, Guy Cloutier lui aurait également lancé : « N’oublie pas, tu es à moi. »

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Cloutier a été condamné à la prison en 2005 pour agressions sexuelles envers des enfants.

Ces évènements ont mené Michelle Charron dans une spirale infernale : dépression, alcoolisme, agoraphobie, etc. « C’était trop lourd sur mes épaules », résume-t-elle. Plus récemment, à la suite de l’échec de sa plainte au criminel, elle a été affligée par des problèmes psychiatriques, a-t-elle expliqué.

« Je n’ai pas réalisé que j’avais été violée », a confié à la cour la femme de 65 ans. Michelle Charron affirme avoir caché en elle ce souvenir honteux pendant des décennies, jusqu’à ce qu’elle dénonce aux policiers, il y a quelques années, dans la foulée du mouvement #metoo. Sa plainte criminelle a toutefois été rejetée.

Faute de moyens pour se payer un avocat et déposer une requête en Cour supérieure, Michelle Charron a décidé de se tourner vers la Division des petites créances de la Cour du Québec pour intenter un recours civil contre Guy Cloutier. Cette division entend rarement des affaires d’agression sexuelle. Le montant maximum qui peut être réclamé s’élève à 15 000 $.

Aujourd’hui, si elle réclame « des pinottes », c’est surtout pour être entendue. « Aucun argent ne va réparer les torts qui ont été causés », explique-t-elle.

Michelle Charron espère qu’elle sera crue, même si plusieurs dates ne concordent pas. Le juge Hamel a souligné que certains documents déposés par la femme indiquaient que l’agression alléguée était survenue en 1976, 1977 et 1980, alors qu’elle maintient que cela s’est produit en 1979. Elle justifie ces erreurs de date par le refoulement et la honte vécue.

« C’est comme si on passait pour des folles, des menteuses. Pensez-vous qu’à 65 ans, je perdrais mon temps ? Que je viendrais mentir ? J’ai d’autres choses à faire. J’ai juste hâte de tourner la page », a-t-elle conclu.

Le juge a pris l’affaire en délibéré. Il a toutefois mis en garde Mme Charron que Guy Cloutier pourrait demander une rétractation de jugement, comme le procès s’est déroulé sans sa présence.