Une trentaine de personnes se sont rassemblées dimanche après-midi pour rendre un dernier hommage à Fritznel Richard, retrouvé mort près de la frontière américaine pendant le temps des Fêtes. C’est en sanglots que la femme du défunt a assisté aux funérailles en visioconférence.

« Fritznel Richard est mort d’une manière dramatique, parce que nous l’avons rejeté collectivement. J’espère [qu’il] ne sera pas oublié », a déclaré pendant la cérémonie le porte-parole du Comité d’action des personnes sans statut (CAPS), Frantz André.

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Le 23 décembre dernier, en pleine tempête, l’homme d’origine haïtienne a tenté de traverser, en vain, les quelques kilomètres de forêt à la frontière canado-américaine, non loin du chemin Roxham, pour rejoindre sa femme. Les autorités estiment que l’homme de 44 ans est probablement mort d’hypothermie.

« Fritznel et Guenda sont arrivés [au Canada] en traversant des forêts, des pays, ils ont failli mourir et ont vu des gens mourir devant eux. Ils sont arrivés ici, dans un pays qui se dit d’accueil et où la démocratie règne. De mourir ici, en 2023, c’est ça, cette terre d’accueil ? », a laissé tomber M. André.

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Une trentaine de personnes se sont rassemblées dimanche après-midi pour rendre un dernier hommage à Fritznel Richard.

Il s’est ensuite adressé aux politiciens. « Nous sommes des humains. Nous ne sommes pas des chiffres, nous ne sommes pas des porteurs de COVID-19, nous sommes venus ici pour contribuer, pour sauver des vies, pour bâtir le Canada. »

« Courage, Guenda, courage »

La veuve de M. Richard, Guenda Filius, qui demeure aux États-Unis, assistait aux funérailles à distance. Dès que les chants annonçant le début de la cérémonie ont commencé, elle a fondu en larmes.

« Courage, Guenda, courage », a déclaré M. André, en s’adressant à la femme qui apparaissait sur des écrans à travers la salle. « Nous serons toujours là pour toi et pour tes fils. » Bouleversée, Mme Filius n’a pas été en mesure de dire un mot.

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Frantz André, porte-parole du Comité d’action des personnes sans statut

« J’espère que cet au revoir dans la dignité et le respect était libérateur », a dit M. André, visiblement ému, à la fin de la cérémonie. La semaine prochaine, il se rendra en Floride, afin d’aller porter en mains propres l’urne de M. Richard à sa femme. « Je ne voulais pas qu’elle reçoive les cendres dans une boîte de FedEx ou de DHL », dit-il.

Élan de solidarité

Le complexe funéraire Magnus Poirier, dans l’arrondissement de Montréal-Nord, a pris en charge gratuitement les démarches administratives, l’urne, le transport de la dépouille et la cérémonie.

« Puisque c’est un membre de notre communauté, on voulait lui faire un hommage, quelque chose qui lui ressemble », a affirmé le directeur du complexe, Jacques Laurent, qui est lui aussi d’origine haïtienne.

Frantz André a également créé une campagne GoFundMe, afin de soutenir la famille du défunt. Dimanche matin, plus de 9000 $ avaient été amassés.

Quitter le Canada

Le 23 décembre, Guenda Filius a demandé à son mari perdu dans les bois près de la frontière avec les États-Unis d’appeler la police, mais la ligne a été coupée. Sans nouvelles après plusieurs jours, elle a finalement contacté la Sûreté du Québec, qui a déclenché une opération de recherche. Son corps gelé a été retrouvé deux semaines plus tard.

Entré par le chemin Roxham au pays en décembre 2021 avec sa femme, Fritznel Richard attendait depuis maintenant plus d’un an les documents qui lui auraient permis de travailler.

Après un certain temps, sa femme aurait finalement décidé de retourner aux États-Unis en passant elle aussi par des voies irrégulières.

Depuis, Fritznel Richard vivait seul dans un appartement non loin de la station de métro Côte-Vertu, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, dans une situation financièrement intenable, avait indiqué sa femme. Fritznel Richard laisse également dans le deuil ses deux enfants, un garçon de 11 ans resté en Haïti et un bébé de 19 mois.

Avec la collaboration de Vincent Larin, La Presse