Une enquêtrice du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a violé les droits fondamentaux d’un adolescent en l’interrogeant pendant plus de six heures, en partie sans la présence de sa mère et sans respecter son souhait de garder le silence.

C’est ce qu’a constaté la Cour du Québec mi-novembre, se disant outrée par le comportement de l’enquêtrice Geneviève Leclerc. Face à elle : un garçon de 14 ans soupçonné d’avoir touché les fesses d’une fille.

« [L’]acharnement [de la policière] pour obtenir une déclaration incriminante constitue un abus de pouvoir », a écrit la juge Annie Savard, dans une décision récemment rendue publique où elle évoque une « inconduite grave de la police ».

C’est bien le type de conduite choquante qui mine l’intégrité du système de justice. Et, à plus forte raison, le système de justice pénale distinct mis en place pour protéger les adolescents.

La juge Annie Savard, dans sa décision

La justice a écarté les accusations contre l’adolescent en raison du comportement de la police.

Le garçon a dû demander à six reprises d’être accompagné par sa mère pendant l’interrogatoire – un droit reconnu pour les mineurs – et a affirmé à 15 reprises qu’il ne voulait pas s’exprimer. L’enquêtrice qui l’interrogeait, Geneviève Leclerc, a menti à l’adolescent et a inventé la présence d’une preuve d’ADN sur la victime pour le faire parler, selon la décision de justice.

« La conduite de l’enquêtrice Leclerc est choquante et s’échelonne sur une longue période de temps, a écrit la juge Savard. La réponse de l’enquêtrice à l’effet qu’elle applique les mêmes techniques d’entrevue, peu importe que l’accusé soit un adolescent ou un adulte, est loin de rassurer le Tribunal quant à sa volonté et sa capacité d’appliquer le régime distinct mis en place pour les adolescents. »

« Il y a des limites », dit l’avocate

MCorine Jacquet représentait l’adolescent devant la justice et a convaincu la juge Annie Savard de mettre fin au processus judiciaire.

La juge « est vraiment choquée », a analysé l’avocate. « La policière a utilisé la même méthode d’enquête qu’elle utilise dans les cas d’adultes soupçonnés d’agression sexuelle, c’est une policière spécialisée dans le domaine. »

Les forces de l’ordre ont des pouvoirs qui sont limités par des droits fondamentaux comme le droit au silence. Il y a des limites à ce que la société peut accepter.

MCorine Jacquet, avocate qui représentait l’adolescent

Le SPVM a indiqué qu’il « analyserait le jugement » avec la Couronne « avant d’en tirer des conclusions ».

« Le Service de police de la Ville de Montréal mène ses enquêtes dans le respect du cadre légal en vigueur. Les enquêteurs de la Section des agressions sexuelles suivent tous une formation portant sur les interrogatoires vidéo donnée par l’École nationale de police du Québec », a ajouté le corps de police. « Le SPVM traite avec le plus grand sérieux les plaintes de crime à caractère sexuel. La Section des agressions sexuelles peut compter sur 30 enquêteurs spécialisés qui traitent plus de 2000 dossiers par année, seulement en agression sexuelle. »

« L’enquêtrice a intentionnellement et de manière flagrante fait fi des multiples demandes de l’accusé de garder le silence. Un citoyen raisonnable et bien informé serait choqué de visionner cet interrogatoire d’une durée de plus de six heures au cours duquel un accusé de 14 ans se voit privé de son droit fondamental de garder le silence », a écrit la juge Savard.

L’identification d’un accusé mineur est interdite par la loi.