Aucune formation sur les tireurs actifs n’avait été donnée au collège Montmorency ni au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu ces dernières années, affirment les syndicats. Ils jugent que les enseignants devraient être mieux préparés, au lendemain d’évènements distincts qui ont forcé le confinement des deux établissements.

Lisez l’article « Le cégep Saint-Jean-sur-Richelieu confiné, deux suspects arrêtés » Lisez l’article « Des centaines d’élèves barricadés pendant des heures »

La dernière formation sur la marche à suivre en cas de tireur actif offerte aux enseignants du cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu remonte « à environ dix ans », selon leur syndicat.

Des enseignants ont demandé par le passé de recevoir une formation et d’effectuer des exercices de confinement, mais cela leur a été refusé.

« Le collège a mentionné que ce type d’exercices était traumatisant et représentait trop de risques pour la santé psychologique des étudiants et du personnel », affirme Marie-Ève Duval, vice-présidente du Syndicat des enseignantes et des enseignants du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

La direction leur a plutôt transmis par écrit les procédures à suivre en présence d’un tireur actif et une vidéo produite par l’Université McGill qui simule une telle situation. Elle les a aussi informés que des formations seraient offertes aux nouveaux enseignants, ce qui n’a pas été fait depuis, selon Mme Duval.

Conséquence : « plusieurs enseignants n’étaient pas préparés » à l’incident survenu la veille. Un jeune homme de 19 ans, Simon-Olivier Frappier, a été arrêté vendredi sur le terrain de l’école et accusé d’avoir proféré des menaces. Pendant plus de trois heures, des centaines d’élèves se sont barricadés entre les murs de l’établissement.

C’est une alerte sur le portail Omnivox qui leur a enjoint de se confiner. Selon le syndicat, le système de communication interne qui avait été installé après la fusillade du collège Dawson en 2006 n’a jamais fonctionné. Aucun message n’a été entendu dans les interphones.

« Certains enseignants qui n’avaient pas leur cellulaire en classe ont appris par des étudiants qu’ils devaient se barricader », déplore Marie-Ève Duval. Jusqu’à la fin de l’intervention, toutes les communications étaient transmises via le portail Omnivox par cellulaire ou par courriel, affirme-t-elle.

« Il est clair que nous demanderons que la direction agisse avec diligence à compter de maintenant », a-t-elle souligné.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Policier aux abords du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, vendredi

De son côté, la direction du cégep assure que le plan de mesures d’urgence en place « s’est déployé rapidement, efficacement et selon la procédure ».

« Un retour sur cet évènement tragique pour notre cégep sera fait par la direction dès lundi. Le sujet de la formation et des pratiques fera partie des discussions dans le cadre d’un protocole postvention », indique Nadine Sabongui, directrice adjointe du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

Au moment où ces lignes étaient écrites, le cégep n’avait pas réagi aux propos du syndicat.

Par ailleurs, des médias ont rapporté que Simon-Olivier Frappier avait l’habitude de porter une veste aux allures militaires en classe. Selon le syndicat, l’étudiant « ne portait pas cette veste quotidiennement depuis août et n’avait pas une attitude laissant présager ni détresse ni violence ». « Il portait des vêtements de type militaire régulièrement », a précisé Mme Duval.

Une pratique quelques heures avant le confinement

Au collège Montmorency, c’est la deuxième fois en cinq ans que l’établissement est placé en confinement. En 2017, une vidéo d’un élève prétendument armé dans les toilettes du cégep avait été publiée sur les réseaux sociaux, déclenchant une vaste opération policière.

Une formation sur les tireurs actifs a déjà été offerte aux enseignants, rapporte le syndicat. Mais depuis 2017, aucune autre formation de ce type n’a été proposée aux enseignants, a confirmé l’établissement à La Presse.

Plusieurs mesures ont toutefois été mises en place pour assurer la sécurité des élèves et du personnel, a assuré la directrice adjointe aux communications, Marilyn Doucet. « Il y a notamment l’installation d’un système de communication bidirectionnelle, qui nous a grandement servi hier », a-t-elle souligné.

Vendredi, vers 17 h 30, les élèves et le personnel de l’école ont reçu l’ordre de se barricader via les haut-parleurs installés dans tous les corridors et les salles de classe. Des coups de feu avaient été tirés dans un parc près du collège, blessant quatre personnes.

Selon le collège Montmorency, 700 employés ont reçu une formation de confinement par le service d’incendie de la Ville de Laval, sans préciser à quand remonte la formation.

Le plan des mesures d’urgence de l’établissement est mis à jour et l’établissement concerte « de manière régulière » le personnel chargé de répondre à une situation d’urgence.

« Ironiquement, une telle pratique a eu lieu quelques heures avant que la situation ne survienne hier », dit Mme Doucet.

La direction « pourrait sans doute faire mieux », reconnaît Amélie Therrien, présidente du Syndicat des enseignantes et enseignants du collège Montmorency. « La question des laboratoires vitrés fait partie de ces préoccupations », ajoute-t-elle. Car les parois vitrées de certains locaux font en sorte qu’il est possible de voir l’intérieur complet de la salle du couloir.

« On s’est cachés le mieux qu’on pouvait »

L’enseignant en éducation physique Maxime Robert croit qu’une formation sur les tireurs actifs pourrait être pertinente pour le personnel.

En 2017, il entraînait l’équipe de volleyball lorsqu’un élève l’a informé de la présence de policiers dans l’école. « J’ai amené ma gang et on a pris la chance de sortir. Il n’y avait pas eu d’alerte [via les haut-parleurs] comme hier [vendredi] », se souvient-il.

Cinq ans plus tard, le même scénario s’est produit alors qu’il donnait un cours. « On a fermé la porte et les lumières. J’ai demandé aux étudiants d’aller sur le mur et on s’est cachés le mieux qu’on pouvait », raconte M. Robert.

Dans l’éventualité d’une vraie menace, l’enseignant s’est interrogé sur la bonne marche à suivre. « Est-ce que je dois absolument cacher la fenêtre ou est-ce qu’au contraire, ça indique qu’on est dans le local ? Si quelqu’un cogne à la porte, je fais quoi ? », se questionne-t-il.

« Je pense que ce serait pertinent de savoir exactement quoi faire », conclut-il.