Une coalition de médias, dont La Presse, demande à la Cour suprême d’intervenir dans l’affaire du mystérieux procès criminel secret qui s’est tenu récemment au Québec. Sans l’intervention du plus haut tribunal du Canada, ce genre d’arrangement pour tenir la population dans le noir « pourrait se répéter à travers le pays », préviennent-ils dans leur avis de demande d’autorisation d’appel.

« La présente demande d’autorisation d’appel soulève d’importants enjeux qui sont au cœur de la démocratie canadienne », écrivent les avocats des médias dans un document envoyé à la Cour suprême.

Ceux-ci soulignent qu’il est primordial que les citoyens puissent suivre les agissements des tribunaux au pays.

« En effet, la liberté d’expression, la liberté de la presse et leur corollaire, le droit du public à l’information, sont des piliers de la démocratie. Au cœur de ces droits et libertés fondamentaux se trouve le principe de la publicité des débats judiciaires », précise le texte signé de la main de MChristian Leblanc, du cabinet Fasken Martineau Dumoulin.

« Cette affaire porte sur un procès s’étant déroulé sans que son existence soit dévoilée, ce qui est très préoccupant pour la justice publique et qui, sans l’intervention de cette honorable cour, pourrait se répéter à travers le pays », poursuit l’avis envoyé à la Cour suprême.

La coalition d’organisations journalistiques qui a entrepris ce recours comprend La Presse, Radio-Canada, La Presse Canadienne et les quotidiens des Coops de l’information. Les médias demandent à la Cour suprême d’intervenir afin qu’ils puissent contester les ordonnances de confidentialité émises dans le cadre du procès secret.

Incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale

Le 25 mars dernier, La Presse révélait la tenue récente au Québec d’un procès criminel secret dont toutes les traces auraient été effacées. L’accusé dans cette affaire était un informateur de police accusé d’un crime dont la nature demeure confidentielle et qui a été condamné à une peine gardée secrète. Aucun numéro de dossier n’était disponible, les procédures s’étaient déroulées dans un « huis clos complet et total », des témoins auraient été interrogés hors de la cour, le jugement n’a pas été publié, et à ce jour, même le nom du juge reste inconnu.

Cet arrangement entre les parties a empêché le Barreau d’exercer un contrôle sur le comportement des avocats impliqués et caché au public l’arrangement convenu entre la police, la Couronne et le précieux informateur.

La Cour d’appel avait ensuite annulé la condamnation de l’accusé et décrié cette façon de faire « contraire aux principes fondamentaux » de la justice et « incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale ».

Ceux-ci ont toutefois refusé de rendre publics les noms des procureurs, des avocats de la défense et du juge impliqué dans cette procédure hors norme. Ils n’ont pas donné de détails sur la nature des accusations ni sur la peine imposée, des informations qui, selon les médias, pourraient être relayées sans compromettre la sécurité de l’informateur de police.

Le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), qui a piloté la poursuite dans le cadre de cet exercice hors norme, refuse toujours de s’expliquer sur sa conduite. L’organisme n’a jamais dit comment l’accusé aurait pu purger sa peine et comment un suivi de sa conduite aurait pu être assuré en cas de condamnation. Les procureurs fédéraux ont obtenu exceptionnellement le droit de plaider devant la Cour d’appel sans qu’on puisse voir leur visage. Le SPPC refuse aussi de divulguer la liste des dossiers criminels pilotés par ses procureurs au Québec à cette époque.