(Montréal) Le pouvoir des policiers d’interpeller des automobilistes aléatoirement serait un important outil de dissuasion pour prévenir les comportements dangereux sur la route, a plaidé un avocat du gouvernement du Québec, mercredi, lors d’une contestation constitutionnelle devant le tribunal.

L’avocat Michel Déom a déclaré devant le juge de la Cour supérieure Michel Yergeau que le problème ne réside pas dans ce pouvoir en soi, mais plutôt dans son exercice abusif par certains policiers.

Me Déom a livré son plaidoyer final dans une affaire initiée par un homme noir de Montréal et l’Association canadienne des libertés civiles. Selon eux, les interpellations aléatoires violent le droit à l’égalité protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.

Selon l’avocat du gouvernement, il revient aux corps policiers et aux organismes de surveillance, comme les comités de déontologie, de combattre le profilage racial chez les policiers.

Le Montréalais Joseph-Christopher Luamba dit avoir été intercepté par des patrouilleurs, sans raison valable, près d’une douzaine de fois. C’est lui qui, avec l’Association canadienne des libertés civiles, conteste la constitutionnalité de ces pratiques d’interpeller des conducteurs sans raison de croire qu’une infraction a été commise. En revanche, les plaignants ne s’opposent pas aux opérations policières structurées comme les barrages routiers pour repérer des conducteurs en état d’ébriété par exemple.

Pour l’avocat Bruce W. Johnston, qui représente l’Association canadienne des libertés civiles, le pouvoir des policiers d’intercepter aléatoirement des automobilistes ouvre la porte à un usage arbitraire et discriminatoire de ce pouvoir.

« Ce pouvoir n’est pas utilisé aléatoirement, mais plutôt de manière discriminatoire et hautement préjudiciable envers les Noirs et les personnes racisées », est-il écrit dans un sommaire des arguments présentés par Me Johnston et sa collègue Me Lex Gill.

Pour les plaignants, le fait que les contrôles aléatoires affectent les conducteurs noirs, et plus particulièrement les hommes noirs, il faudrait reconsidérer l’argument selon lequel cela constitue une limitation sérieuse à la liberté de mouvement.

Si le juge Yergeau donne raison aux plaignants, il devra du même coup casser une décision de la Cour suprême du Canada remontant à 1990. Dans cet arrêt, la cour avait déterminé que les interpellations aléatoires constituaient le seul moyen de dissuader les gens de conduire sans permis ou de commettre d’autres infractions comme de conduire avec une ceinture défectueuse ou sous l’effet de l’alcool.

Me Déom n’a pas soumis de nouveaux éléments de preuve en soutenant que le fardeau d’infirmer la décision de la Cour suprême reposait sur les plaignants.

En revanche, en ce qui concerne la réalité du profilage racial au Québec, de nombreux policiers ont témoigné que les corps de police prenaient l’enjeu au sérieux et s’y attaquaient.

Le juge Yergeau a cependant semblé remettre en doute cette vertu.

« Combien de générations faudra-t-il pour s’assurer que ce droit garanti par la Charte aux personnes noires soit respecté quand ils conduisent leur voiture ? », a demandé le magistrat.

Le procès qui a débuté le 30 mai doit prendre fin ce jeudi après une dernière journée de plaidoiries.