(Ottawa) Un accusé dans un procès pour agression sexuelle n’a pas le droit de tendre une embuscade à sa présumée victime avec des documents privés, comme des dossiers médicaux ou des journaux personnels, dans le but de la discréditer, a statué jeudi la Cour suprême du Canada, en confirmant les dispositions ajoutées à la loi en 2018.

L’arrêt du plus haut tribunal concerne des verdicts rendus par les cours d’appel dans deux affaires d’agression sexuelle distinctes qui concluaient que les modifications apportées il y a quatre ans aux lois sur la protection contre le viol affectaient le droit d’un accusé à un procès juste et équitable.

Dans un arrêt rendu jeudi à six contre trois, une majorité de juges a annulé ces décisions et statué que les modifications législatives apportées au Code criminel étaient « constitutionnelles dans leur intégralité ».

Des lois contre les agressions sexuelles ont été promulguées il y a une quarantaine d’années pour empêcher que des antécédents sexuels de la plaignante soient utilisés contre elle au procès pour la discréditer.

Le Code criminel stipule que les éléments de preuve portant sur les activités sexuelles antérieures d’une plaignante qui ne sont pas liés aux accusations portées ne peuvent être admis qu’avec la permission d’un juge, à la suite d’une audience à huis clos.

Ces éléments de preuve ne peuvent pas être utilisés au procès pour déduire que la plaignante est moins digne de foi ou plus susceptible d’avoir consenti à l’activité à l’origine de l’accusation.

Empêcher des procédures « injustes »

En 2018, les libéraux ont élargi la définition de ce que comprend cette preuve pour y ajouter les communications à caractère sexuel, comme des courriels ou des vidéos, ainsi que les documents concernant la plaignante qui sont en la possession de l’accusé.

Le gouvernement a également accordé à la plaignante le droit de participer à l’audience sur l’admissibilité de cette preuve, avec le juge, et d’y être représentée par un avocat.

Le droit à un procès équitable, tel que garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, « ne garantit pas le procès le plus avantageux possible », conclut la Cour suprême. Les droits de la plaignante et du public doivent également peser sur l’équité d’un procès, a déclaré le tribunal.

« Ce qui est garanti, c’est plutôt une justice fondamentalement équitable, qui exige la prise en considération des intérêts à la protection de la vie privée des autres personnes qui se retrouvent dans le système de justice. »

Les juges concluent que « prendre la plaignante par surprise avec ses propres dossiers très privés au procès peut être injuste pour elle et aller à l’encontre de la recherche de la vérité ».