Une femme qui a dénoncé dans la foulée du mouvement #metoo les agressions sexuelles répétées subies aux mains de son beau-père il y a 30 ans a été crue par le juge, même si son témoignage était « loin d’être parfait ». Le Montréalais de 62 ans a agressé sexuellement sa belle-fille de 11 ans plusieurs fois par semaine pendant deux ans.

« Mon enfance est un trou noir. Je n’ai pas l’impression que je vais avoir une autre façon de vivre. J’ai l’impression que ça va toujours être comme ça. […] [J’étais] anéantie. J’avais beaucoup de honte. Je me rappelle beaucoup la peur que je vivais. »

C’est ainsi que la victime, maintenant dans la mi-quarantaine, s’est remémoré son enfance difficile au procès du pédophile de 62 ans au palais de justice de Montréal. Il a été reconnu coupable le 31 mai dernier d’agression sexuelle et de contacts sexuels sur un enfant de moins de 14 ans. On ne peut nommer l’accusé afin de protéger l’identité de la victime.

Envahie par la honte et se sentant responsable, la victime a gardé le silence pendant 30 ans, avant de dénoncer son bourreau grâce au mouvement #metoo en 2019. Un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) l’a ensuite guidée pour déposer sa plainte.

De 1989 à 1991, son beau-père a profité des nombreuses absences de sa mère, aux prises avec des problèmes de jeu, pour agresser sexuellement l’enfant à répétition. Le pédophile avait pris l’habitude de s’allonger sur la victime sur le canapé du salon pour ensuite se frotter le bassin contre elle de manière sexuelle.

« C’était plusieurs fois semaine, dès qu’il en avait l’occasion », a expliqué la victime au procès.

À une autre occasion, son beau-père l’a agressée sexuellement pendant la nuit, en glissant sa main sous sa jaquette, pendant qu’il se masturbait. « Elle était tétanisée », relate le juge. Pendant des années, son beau-père lui a demandé de « garder le secret ».

Témoignage franc bien qu’imparfait

Dans sa décision de 50 pages, le juge Dennis Galiatsatos souligne que malgré ses imperfections, le témoignage de la victime était « franc, convaincant et empreint d’authenticité ». Ses imprécisions s’expliquent facilement par son « jeune âge » lors des évènements, selon le juge.

Au contraire, l’accusé a livré une version « arrangée et exagérée » en tentant « à tout prix » d’établir qu’il n’avait pas pu commettre les crimes. Des efforts qui démontrent sa volonté de « tromper le Tribunal » pour se disculper, tranche le juge Galiatsatos.

Selon la défense, la victime avait tout inventé par « rancœur et vengeance », parce que l’accusé l’aurait dénoncée à la police pour avoir frappé sa mère en 1995. Une théorie « dénuée de tout bon sens », selon le juge, estimant improbable qu’une jeune fille ait attendu deux décennies pour orchestrer une telle ruse.

Les observations sur la peine sont prévues en septembre prochain. L’accusé, toujours en liberté, est défendu par MCyrille Girot. Le ministère public est représenté par MGeneviève Rondeau-Marchand.