« Laissez-moi une chance. J’en ai arraché pendant 20 ans, j’ai payé pour ce que j’ai fait… Mille excuses. » C’est en pleurs que le meurtrier Jean-Guy Lambert a supplié le jury mercredi de lui accorder sa libération conditionnelle plus rapidement. Détenu depuis 2003, l’homme de 76 ans a avoué pour la première fois avoir participé au meurtre de Robert Fattouch.

« Je ne suis pas un tueur. Mais j’ai commis ça avec lui [le tireur], je suis aussi coupable… En disant ça, ça me libère. Je me sens… Ça me fait du bien de vous conter ça à tous. Ça me descend la pression. Ça fait 20 ans… », sanglote Jean-Guy Lambert, soudainement bouleversé par l’émotion, à la barre des témoins.

Incapable de poursuivre pendant quelques secondes, le vieil homme enchaîne : « Je voudrais demander pardon à tout le monde à qui j’ai fait de la peine », lâche-t-il en pleurant.

J’ai pas mené une bonne vie pantoute, mais je suis plus le même gars aujourd’hui. Il ne me reste pas grand temps à vivre encore, et je suis malade, je veux passer le peu de temps avec ma fille.

Jean-Guy Lambert

Jean-Guy Lambert s’est adressé à un jury mercredi lors de son procès de la « dernière chance », une rare procédure qui permet à un délinquant condamné à la prison à vie de devancer la date de sa libération conditionnelle. Le meurtrier espère ainsi obtenir une audience devant la Commission des libérations conditionnelles avant octobre 2028, soit 25 ans après son arrestation. Il doit pour cela démontrer sa conduite exemplaire pendant sa détention.

L’homme de 76 ans a été condamné à la prison à vie en 2006 pour le meurtre prémédité de Robert Fattouch, 27 ans, et la tentative de meurtre d’Elias Fattouch, 30 ans, survenus en mai 1997 à Montréal. Atteint à la tête, le frère survivant avait été laissé pour mort.

Selon des documents déposés en preuve, c’est un certain Bassel El Youssef qui voulait éliminer les deux frères à l’époque, car l’un d’entre eux avait eu une aventure avec sa femme. Il reprochait aussi aux frères d’avoir utilisé ses contacts dans le domaine des véhicules volés.

Jean-Guy Lambert a alors obtenu le contrat de Bassel El Youssef pour tuer les deux frères en échange de 25 000 $, selon la version policière. Mais c’est un autre homme recruté par Lambert, un certain Roger Méthot, qui aurait finalement tiré sur les frères. Deux chargeurs retrouvés sur la scène lui appartenaient. Spécialisé à l’époque dans les vols de voiture, Jean-Guy Lambert a reçu 5000 $ pour ce contrat, selon sa version.

C’est finalement six ans plus tard, en 2003, que Jean-Guy Lambert est arrêté, piégé par un autre complice, muni d’un dispositif d’enregistrement. Jean-Guy Lambert soutient aujourd’hui qu’il n’a pas témoigné à son procès en 2006, parce que Bassel El Youssef l’avait menacé en prison « d’arranger » sa fille et sa mère s’il parlait. Ni son complice Roger Méthot ni Bassel El Youssef n’ont été jugés dans cette affaire.

« Je le savais qu’il allait tuer les deux gars »

Pendant 20 ans, Jean-Guy Lambert a juré n’avoir rien eu à voir dans cet attentat. Il ne voulait pas que sa fille se dise : « Mon père, c’est un tueur », justifie-t-il. Mais mercredi, il a avoué au jury qu’il était le chauffeur du tireur Roger Méthot.

« Il me dit : je vais au garage pour tuer les frères Fattouch. Je lui dis : ‘’Es-tu sérieux ?’’. [Il me dit) : ‘’Tu vas m’amener là’’. J’étais pas très, très à l’aise », raconte-t-il, alors qu’il était interrogé par son avocate, MSandra Brouillette.

Malgré sa réticence, il accepte d’attendre le tueur à gages dans un stationnement pendant l’attentat. « Je le savais qu’il s’en allait tuer les deux gars. Je le savais », avoue-t-il. Il pensait toutefois que c’est Méthot qui serait en fait tué par les frères, armés de grenades, insiste-t-il.

« C’est pas moi ça, tuer quelqu’un. Tuer quelqu’un froidement, je suis pas capable de faire ça », jure Jean-Guy Lambert, qui se décrit comme un « doux ».

Dans les dernières années, le septuagénaire a eu de nombreux problèmes de santé, dont un AVC en 2010, un cancer de la prostate en 2017, une grave dépression en 2018 et un cas critique de COVID-19. La violence dans un pénitencier à sécurité maximale l’a également marqué au début de sa peine. « J’ai vu des gars se faire poignarder avec des piques à côté de moi. Je restais dans ma cellule, j’avais trop peur de sortir », relate-t-il.

En contre-interrogatoire, la procureure de la Couronne Katerine Brabant a souligné que Jean-Guy Lambert avait vendu une mitraillette à Bassel El Youssef, deux mois avant le meurtre. Il a toutefois nié savoir si c’est cette arme avait été utilisée par Roger Méthot lors de l’attentat.

Même s’il a participé au meurtre, Jean-Guy Lambert prétend avoir d’abord averti Robert Fattouch qu’un contrat avait été placé sur sa tête, puisqu’il le connaissait bien. « C’est pas pour bien paraître que vous dites ça aujourd’hui ? », s’est alors demandé MBrabant. « Je vous dis exactement ce qui s’est passé », a juré Jean-Guy Lambert.

D’ailleurs, Jean-Guy Lambert assure qu’à sa sortie de prison, il a la ferme intention de faire arrêter les trois autres hommes qui ont participé au meurtre de Robert Fattouch, dont Bassel El Youssef. « Je vais appeler la police, je les fais arrêter pour meurtre. C’est pas plus compliqué que ça », lance-t-il.

Son contre-interrogatoire se poursuit jeudi devant la juge France Charbonneau.