La mère de deux garçons qui auraient été assassinés par leur père réclame 2 millions au gouvernement du Québec, alléguant que les services de protection de la jeunesse ont laissé tomber sa famille.

Dans une lettre d’avocate datée du 22 avril, Émilie Arsenault a accusé la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de ne pas avoir agi malgré le fait que l’agence aurait été jointe à trois reprises avant la mort de ses enfants.

La lettre adressée au ministère de la Santé et des Services sociaux et au CIUSSS de la Capitale-Nationale (Centre jeunesse de Québec) indique que l’agence provinciale avait été alertée par un employé de l’hôpital, la police et la mère entre mai 2018 et janvier 2020.

Me Valérie Assouline, avocate représentant Mme Arsenault, affirme que les travailleurs de la DPJ n’ont rendu visite à la famille à la maison après aucun des appels, ajoutant que le service de protection a décidé de fermer les dossiers impliquant la famille sans prendre d’autres mesures. Le système, dit-elle, doit être tenu responsable de ses échecs.

« Je ne pense pas que les enfants devraient payer de leur vie parce que le système ne fonctionnait pas », a-t-elle indiqué lundi lors d’un entretien téléphonique.

Retrouvés morts

Les corps d’Olivier, 5 ans, et d’Alex, 2 ans, ont été retrouvés le 13 octobre 2020 dans une maison de Wendake, territoire de la Première Nation huronne-wendate près de Québec.

Leur père, Michaël Chicoine, est accusé de deux chefs de meurtre au deuxième degré.

Les détails concernant ce qui a conduit aux appels à la protection de la jeunesse font l’objet d’un interdit de publication en raison du processus judiciaire en cours.

Dans la lettre, la mère a déclaré que l’« aveuglement volontaire de tout le système a coûté la vie à Olivier et Alex » et a causé un préjudice irréparable aux enfants et à leur mère.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a refusé de se prononcer lundi, invoquant le processus judiciaire en cours.

Échec collectif de la société ?

Me Assouline représente d’autres familles ayant vécu des circonstances similaires, dont la mère d’une fillette de 7 ans de Granby dont la mort, en 2019, a déclenché un réexamen généralisé du système de protection de la jeunesse de la province. Une commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse a publié un rapport de 552 pages en mai dernier, affirmant que la mort de la petite était un échec collectif de la société québécoise.

Me Assouline a affirmé que le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, était « très conscient » des problèmes du système de protection de la jeunesse, mais n’avait pas agi assez rapidement.

Me Assouline a ajouté que le système sous-estimait les allégations de violence entre partenaires intimes, les catégorisant souvent comme un « conflit parental » plutôt qu’un facteur de risque.

2 millions réclamés

Elle a dit reconnaître que les 2 millions demandés par sa cliente étaient une somme plus élevée que ce qui est habituellement réclamé dans de tels cas, mais elle a indiqué qu’un jugement « exemplaire » était nécessaire pour garantir qu’une situation similaire ne se reproduise plus jamais. Émilie Arsenault, a-t-elle ajouté, est bien consciente qu’aucune somme d’argent ne peut ramener ses enfants.

« Elle ne fait pas nécessairement [cela] pour une question d’argent, mais une question d’imputabilité, de s’assurer que quelqu’un est responsable de ne pas avoir protégé les enfants, a précisé Me Assouline. Parce qu’elle a essayé. Que pouvait-elle faire de plus ? »

Me Assouline a spécifié que si le gouvernement ne répondait pas à la lettre de mise en demeure, la prochaine étape consisterait à intenter une action en justice.