(Québec) Le parcours macabre de Carl Girouard a été presque entièrement capté par des caméras, ce qui a permis à la Couronne de reconstituer l’attaque au sabre du Vieux-Québec en ce deuxième jour du procès.

Devant le jury de 11 membres – une jurée est retournée chez elle, car elle était positive à la COVID-19 –, la poursuite a présenté les images troublantes recueillies par les policiers.

Elles montrent le tueur qui gare sa voiture devant le Château Frontenac à 22 h 16. L’homme de Sainte-Thérèse sort alors de son véhicule vêtu de noir, avec un masque médical noir et un sabre dans les mains.

Puis on le voit qui s’élance sur sa première victime, Rémy Bélanger de Beauport, lequel tombe par terre sous le coup de la surprise. Le tueur s’acharne avec son sabre, mais la victime en panique réussit à fuir, grimpe dans la fontaine de la place d’Armes, puis sème son agresseur et échappe à la mort.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVQ

Le sabre utilisé par le tueur le 31 octobre 2020

Il aperçoit ensuite François Duchesne, 56 ans, qui faisait une simple promenade dans le Vieux-Québec. Il fonce sur lui avec son sabre.

On voit aussi des images du tueur au moment où il s’élance vers Suzanne Clermont, 61 ans, qui était sortie devant chez elle pour fumer une cigarette. François Duchesne et Suzanne Clermont ont tous deux perdu la vie ce soir-là.

Des tatouages effacés

Le juge Richard Grenier a émis des ordonnances pour s’assurer que certaines images ne puissent être transmises par les médias. La Presse a choisi de ne publier qu’une courte séquence, estimant que les images de coups de sabre n’étaient pas nécessaires.

Au moment où les images ont été présentées aux membres du jury, des proches des victimes ont éclaté en sanglots dans la salle d’audience. Le tueur, lui, regardait le plancher.

La Couronne a aussi déposé plusieurs photos prises par la police, notamment le katana utilisé pour la tuerie. Girouard l’avait achetée en ligne quelques mois avant l’attaque, pour 400 $.

On voit aussi sur un cliché deux tatouages dans le dos de l’accusé, qui semblent avoir été recouverts d’encre. L’homme aujourd’hui âgé de 26 ans avait confié à deux intervenants en 2014 qu’il souhaitait effacer des tatouages avant de faire son coup d’éclat, afin d’être « pur ».

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Le tueur arbore deux tatouages qui semblent recouverts, dans cette photo prise après son arrestation.

Girouard a finalement été arrêté après avoir tué deux personnes et en avoir blessé cinq autres, dans la nuit, tout près de l’Espace 400e.

Fait troublant, les policiers ont retrouvé dans sa voiture un reçu d’un stationnement situé à un jet de pierre du lieu de son arrestation. Il était daté du 31 octobre 2018, soit deux ans jour pour jour avant son carnage.

Obsessions et fixations

Le deuxième jour du procès de Carl Girouard a aussi été marqué par le contre-interrogatoire de son ancien travailleur social.

L’avocat du tueur a tenté de comprendre pourquoi son client n’avait pas vu de psychiatre plus rapidement compte tenu des propos inquiétants qu’il tenait. Carl Girouard plaide qu’il n’est pas responsable des gestes qu’il a commis dans le Vieux-Québec, car il souffrait de troubles mentaux.

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Carl Girouard après son arrestation

« Dès février 2015, vous vous demandez si avec M. Girouard on est face à un cas de santé mentale ? », a demandé l’avocat de la défense, MPierre Gagnon.

« Oui, effectivement », a répondu Charles-André Bourdua. Le travailleur social a admis qu’il décelait des « composantes délirantes » dans le discours de celui qui était alors à l’aube de la vingtaine.

Même si Girouard lui paraissait « poli », « collaborant », « sans agressivité » et « sans impulsivité », il a remarqué des « obsessions » et des « fixations ».

Lundi, deux intervenants ont indiqué que Girouard avait parlé dès décembre 2014 de son idée d’attaquer des gens avec un sabre. Puis au fil des mois, ses idées noires se seraient calmées. Le jeune homme aurait finalement abandonné l’idée de tuer des innocents par peur d’aller en prison.

« Il m’a déjà parlé de son monde idéal, de son système de valeurs, moins de population, moins de pollution, moins d’armes à feu, plus de paix, d’amour et de partage », a indiqué Charles-André Bourdua mardi.

Amené à parler de ses souffrances, Girouard lui rétorque « que la souffrance est temporaire, mais que l’honneur est pour toujours ».

M. Bourdua a cessé de suivre le jeune homme en septembre 2015. Il avait été dirigé vers le Guichet d’accès en santé mentale, point d’entrée pour un suivi en psychiatrie.

Le procès de Carl Girouard se poursuit mardi. Il doit durer au moins quatre semaines. Il est accusé de deux meurtres au premier degré et de cinq tentatives de meurtre.

Selon la thèse de la Couronne, le tueur « voulait être un agent du chaos, démontrer son courage en faisant des actes que les autres ne feraient pas ».