Le double meurtre qu’a commis Jonathan Pomares sur ses deux enfants avant de se donner la mort, à Montréal en octobre 2019, aurait « sans doute » pu être évité si une cellule de crise avait été mise en place, conclut la coroner Stéphanie Gamache dans son rapport diffusé mardi.

« Quand quelqu’un n’a plus rien à perdre, c’est essentiellement la destruction qui prend le dessus. Donc la perte d’emprise sur quelqu’un peut justement faire basculer dans la violence et les gestes homicidaires », a résumé MGamache en conférence de presse à Montréal.

M. Pomares s’est suicidé après avoir tué ses enfants, Élise, 5 ans, et Hugo, 7 ans, dans la résidence familiale du quartier Tétreaultville, le 22 octobre 2019.

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Hugo, Élise et leur père Jonathan Pomares

Une dizaine de jours plus tôt, il avait eu des propos et des gestes suicidaires lorsque la mère des enfants lui avait annoncé son intention de se séparer.

Risques mal évalués

En contexte de séparation, une tentative de suicide peut être une « expression extrême » de contrôle assimilable à de la violence conjugale, et constituer « un facteur de risque homicidaire selon la littérature scientifique », souligne MGamache dans son rapport.

Or, ces risques n’ont pas été correctement évalués, montre l’avocate dans sa reconstitution minutieuse des évènements.

Ainsi, bien que la première évaluation de M. Pomares à l’hôpital Notre-Dame ait recommandé une garde préventive, une note indiquant l’absence de violence conjugale avait également été inscrite au dossier, au motif qu’il n’y avait pas eu de manifestation de violence physique dans le couple.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La coroner Stéphanie Gamache

La coroner mentionne une dizaine d’autres facteurs n’ayant pas été pleinement pris en considération par les intervenants successifs, dont les problèmes d’alcool de M. Pomares, ses antécédents anxio-dépressifs, son agressivité envers les ambulanciers l’ayant amené à l’hôpital et la présence d’un couteau dans la chambre à coucher du couple.

Cette kyrielle de signaux, dont certains dataient de nombreuses années, auraient dû susciter la mise en place d’une cellule de crise pour créer un filet de protection autour de la famille, estime la coroner.

S’il y avait eu une meilleure compréhension de la situation et des facteurs de risque dans un contexte comme celui-ci, il y a des actions qui auraient pu être posées.

La coroner Stéphanie Gamache

De telles « actions concrètes » auraient « sans doute permis d’éviter ce drame horrible », note-t-elle dans son rapport.

Tout en reconnaissant que des pas ont été faits « dans la bonne direction », MGamache formule plusieurs recommandations pour que les intervenants du système de santé reçoivent de la formation sur la violence conjugale, ainsi que sur les conditions permettant de lever la confidentialité des dossiers auprès des proches et des autres intervenants.

Si toutes ces recommandations sont suivies, « j’ai espoir qu’un drame comme celui-ci ne se reproduira pas », a-t-elle assuré mardi.

Appel au respect

L’avocate a commencé sa présentation par un appel au respect « afin de préserver la vie privée de la famille touchée par ce drame horrible ».

La mère des enfants, désignée comme « l’ex-conjointe », n’est pas nommée dans le rapport. MGamache lui a offert ses condoléances, son respect et son empathie.

Cette femme qui souhaite rester en retrait de l’attention médiatique fait preuve d’un courage et d’une résilience immenses.

La coroner Stéphanie Gamache

La coroner a tenu à conclure son allocution en parlant des deux enfants, « car il faut leur donner une voix puisqu’ils sont des victimes à part entière de la violence conjugale ».

Le jeune Hugo était « curieux, énergique » et « aimait faire du sport, particulièrement le soccer », alors que la petite Élise était empathique, « aimait beaucoup placoter » et « adorait les bonbons et ses toutous ».

« Les enfants s’entendaient tous les deux et étaient très complices », a relaté MGamache avec la permission de leur mère.

Dix jours en octobre 2019

12 octobre

La conjointe de Jonathan Pomares, en couple avec lui depuis 16 ans, lui annonce la fin de leur relation. Il réagit par une forte consommation d’alcool et des propos suicidaires.

13 octobre

M. Pomares se rase la tête et avale des comprimés d’ibuprofène avec de l’alcool. Son ex-conjointe appelle le 911. À l’arrivée des ambulanciers, l’homme nie toute tentative de suicide, et se montre si agressif que les policiers doivent intervenir. Le psychiatre qui l’évalue à l’hôpital Notre-Dame prescrit une garde préventive.

14 octobre

Transféré à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM), M. Pomares est évalué par un deuxième psychiatre, qui juge nécessaire de prolonger la garde préventive.

15 octobre

Un troisième psychiatre évalue M. Pomares et lui donne congé puisque, selon les propos tenus par le patient, celui-ci ne présente aucun danger imminent pour lui-même ou autrui.

17 octobre

M. Pomares rencontre un intervenant en travail social qui, n’ayant pas accès aux notes de l’IUSMM, conclut à l’absence de tentative de suicide et estime le risque suicidaire faible. Un rendez-vous est pris pour le 24 octobre.

22 octobre

M. Pomares ne se présente pas au travail. Son ex-conjointe, le croyant bien entouré dans son suivi post-hospitalisation, lui confirme son désir de séparation définitive. En revenant à la maison familiale vers 21 h, elle découvre ses deux enfants ensanglantés et sans vie, et leur père pendu.

Besoin d’aide ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Vous pouvez aussi consulter le site commentparlerdusuicide.com

Les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels viennent en aide aux proches de victimes d’actes criminels à la suite d’événements traumatiques : 1-866-le CAVAC (1 866 532-2822) ou cavac.qc.ca