À l’issue de délibérations qui auront duré 19 jours et qui auront été marquées par quelques rebondissements, les jurés au procès de Dominico Scarfo ont reconnu lundi ce dernier coupable d’avoir comploté les meurtres et d’avoir tué les lieutenants de la mafia montréalaise Lorenzo Giordano et Rocco Sollecito en 2016.

Le prononcé de la peine a été reporté à la fin avril, mais un verdict de meurtre au premier degré entraîne automatiquement une peine d’emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à une libération conditionnelle avant 25 ans.

Il restera donc à déterminer, pour la forme, les peines pour les chefs de complot.

Dix-neuf jours de délibérations, c’est très long, mais c’est loin du record canadien de 28 jours établi dans la cause de Denis Lefebvre et d’Yves Denis, deux caïds de l’Abitibi reconnus coupables de deux meurtres en 2019.

Les délibérations dans Scarfo avaient débuté avec un jury de douze personnes, comme le veut la loi, mais une jurée a été libérée au bout de quelques jours, après qu’un constable spécial eut entendu une conversation téléphonique entre elle et un proche, et un second juré a ensuite été excusé pour un problème de santé.

Des délibérations ne peuvent s’effectuer avec moins de dix personnes et un troisième juré a demandé la semaine dernière à être libéré, lui aussi pour des problèmes de santé, mais le juge Michel Pennou, de la Cour supérieure, qui a présidé le procès, a réussi à le convaincre de poursuivre son travail.

Un travail colossal

Scarfo, 49 ans, a été trahi par un ancien tueur à gages et complice devenu agent civil d’infiltration (ACI) pour la Sûreté du Québec.

De connivence avec la police, ce dernier a renoué contact avec Scarfo en 2019, a ramené les meurtres de Giordano et de Sollecito sur le tapis et l’a enregistré à son insu.

Les enregistrements et le témoignage de l’ACI ont constitué le cœur de la preuve du procès qui a duré deux mois.

Malgré les départs de deux d’entre eux, les jurés sont parvenus à un consensus. Ils pouvaient réécouter à leur guise les enregistrements et ont demandé à réentendre quelques témoignages, dont celui de la taupe, et les plaidoiries des avocats des deux parties.

La durée des délibérations pourrait aussi indiquer que la procureure, MMarie-Christine Godbout, et l’avocat de la Défense, MLuc Trempe, ont été très convaincants durant leurs plaidoiries, mais que finalement, les jurés ont prêté foi aux enregistrements et au témoignage de l’ancien tueur à gages, même si celui-ci a été parfois houleux.

« Nous sommes très satisfaites de l’issue du procès et surtout, nous voulons remercier le jury pour son travail colossal et consciencieux des dernières semaines », a déclaré à La Presse MMarie-Christine Godbout qui s’exprimait également au nom de ses collègues MCatherine Sheitoyan, MIsabelle Poulin et MKarine Cordeau.

La Poursuite s’est refusée à tout autre commentaire.

Pas tout à fait fini

Il faut dire qu’un dernier accusé dans cette affaire, dont l’identité est couverte par un interdit de publication, doit subir un procès devant jury en septembre. Une impasse du jury au procès de Dominico Scarfo, ou un acquittement, aurait pu avoir un impact important sur ce procès à venir.

« Nous sommes déçus car on s’attendait à un autre dénouement. Dix-neuf jours de délibérations et l’action qu’il y a eue dans le jury nous amenaient à penser qu’il n’y avait pas unanimité ou que nous étions parvenus à soulever un doute raisonnable », a pour sa part réagi l’avocat de Scarfo, MLuc Trempe.

« Nous allons encaisser le coup et ensuite nous regarderons nos possibilités d’appel », a poursuivi le criminaliste.

Lorenzo Giordano et Rocco Sollecito ont été abattus dans le cadre d’un conflit opposant les Siciliens et le clan calabrais des frères Scoppa au milieu des années 2010.

Scarfo est celui qui a pressé la détente de l’arme qui a servi à tuer Giordano le premier mars 2016 alors que dans le cas de Sollecito, il aurait conduit une voiture devant celle de la victime et effectué un arrêt obligatoire de plusieurs secondes, permettant au tueur à gages devenu taupe pour la police de sortir d’un abribus où il se cachait et d’abattre le mafioso.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.