Ni le chef du Service de renseignement de la Sûreté du Québec (SQ) ni le responsable de la sécurité rapprochée de Pauline Marois en 2012 n’étaient au courant des six menaces lancées contre la chef du Parti québécois le soir de l’attentat du Métropolis, a-t-on appris lundi au procès civil intenté par quatre survivants contre les forces policières.

L’unique rapport visant à faire la lumière sur l’attentat – et qui demeure caché au public – révèle que Pauline Marois a été visée par six menaces, dont deux sur les réseaux sociaux, entre 17 h 38 et 20 h 32, le soir des élections de 2012. Mais étonnamment, aucun responsable de la sécurité à la SQ à l’époque ne semble détenir de détails sur ces mystérieuses menaces.

« [Les menaces] n’étaient pas suffisamment importantes pour qu’on m’en avise et que je modifie mes opérations. On va m’aviser des menaces potentielles qui vont influencer la sécurité sur le terrain », a témoigné lundi Dominique Langelier, actuel responsable du Service de renseignement et de la protection de l’État au sein de la police provinciale. Il occupait des fonctions similaires pendant la campagne électorale de 2012.

Encore aujourd’hui, Dominique Langelier ne sait absolument rien de la nature ou du sérieux de ces six menaces. C’est même seulement en 2018, dans le cadre de ce procès, qu’il en a appris l’existence, a-t-il admis, en lisant le bref rapport exécutif préparé par le capitaine Louis Bergeron, officier responsable de la sécurité des chefs pendant la campagne électorale.

Il n’a d’ailleurs pas été consulté pour ce rapport, dont le Procureur général du Québec s’oppose au dépôt en preuve.

La SQ a essentiellement employé sa recette habituelle le soir des élections 2012. Une vingtaine de policiers de la SQ étaient ainsi déployés sur le terrain : quatre gardes du corps pour protéger Pauline Marois, deux autres pour son mari, huit agents pour protéger les lieux et cinq agents des services de renseignement se mêlaient à la foule pour détecter les menaces.

Un policier de la SQ était positionné à l’intérieur, devant la porte arrière du Métropolis, mais personne ne protégeait cette porte à l’extérieur, même s’il s’agissait du « chemin de fuite » de la première ministre en cas d’urgence. C’est justement là que Richard Henry Bain a ouvert le feu sur les techniciens de scène agglutinés dans les escaliers, tuant Denis Blanchette et blessant gravement Dave Courage.

« C’était la procédure de l’époque », a expliqué Dominique Langelier, ajoutant qu’un policier surveillait en tout temps l’entrée avant du Métropolis.

« On n’a pas jugé nécessaire. Normalement, c’est assuré par le périmètre extérieur », s’est défendu le sergent Frédéric Desgagnés, chef d’équipe de la garde rapprochée de Pauline Marois en 2012. L’extérieur du Métropolis était sous la responsabilité du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), aux yeux de la SQ. Selon plusieurs témoins, il n’y avait aucun policier dans ce secteur pour barrer le chemin du tireur, pourtant vêtu d’une robe de chambre et d’une cagoule.

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Le sergent Frédéric Desgagnés, de la SQ, s’occupait de la sécurité de Pauline Marois le soir de l’attentat du Métropolis. Il a témoigné lundi au palais de justice de Montréal.

Aucun policier de la SQ ne protégeait non plus le véhicule de fuite de Pauline Marois. « Ce n’était pas coutume de laisser quelqu’un dans le véhicule », a expliqué le sergent Desgagnés. Le policier, qui occupe les mêmes fonctions encore aujourd’hui, a « validé le plan de sécurité » de la SQ, le soir du 4 septembre 2012.

Le policier a raconté s’être empressé d’évacuer Pauline Marois sur la scène en entendant une détonation. Sur le coup, il a toutefois cru qu’il s’agissait du « canon à confettis » lancé trop tôt, a-t-il raconté.

Le sergent Desgagnés soutient qu’il était impossible de prévoir que Richard Henry Bain allait commettre un attentat. C’était une menace « imprévisible et irrationnelle », a-t-il insisté. « On ne pouvait pas savoir », s’est défendu Dominique Langelier.

Pauline Marois n’était d’ailleurs la cible d’aucune menace pendant la campagne électorale.

Les enjeux, c’était envers le Parti libéral : le Plan Nord, la commission Charbonneau et la grève étudiante.

Dominique Langelier. responsable du Service de renseignement et de la protection de l’État

Le « Plan » de sécurité pour la campagne 2012 mentionné dans le procès relevait d’ailleurs six menaces visant les chefs, dont les étudiants, le gaz de schiste et « les indépendantistes radicaux ». Une personne « hystérique » portant un drapeau des Patriotes a d’ailleurs été expulsée par les policiers au Métropolis, a souligné le sergent Desgagnés.

Dave Courage « souffre » toujours

Dix ans après avoir frôlé la mort, Dave Courage ne fait toujours que « survivre » au quotidien. « Je souffre chaque jour, je fais avec, je ne suis pas le seul qui souffre. J’essaie de rester positif », a-t-il confié en marge du procès. Dave Courage a été gravement blessé par la balle tirée par Richard Henry Bain.

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Dave Courage, au palais de justice de Montréal

Même s’il ne fait pas partie du recours actuel, Dave Courage tenait à être présent pour « supporter moralement » ses amis techniciens. « Ce sont tous mes frères, on est une famille de techniciens », a-t-il expliqué. La poursuite intentée par Dave Courage contre le gouvernement s’est réglée à l’amiable il y a quelques années.

Le procès se poursuit ce mardi au palais de justice de Montréal.